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Actes de l'oeuvre
Le Sicilien ou l'Amour peintre :

¤Acte
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
ºSCÈNE XI
ºSCÈNE XII
ºSCÈNE XIII
ºSCÈNE XIV
ºSCÈNE XV
ºSCÈNE XVI
ºSCÈNE XVII
ºSCÈNE XVII
ºSCÈNE XIX
ºSCÈNE DERNIÈRE
 
 

 

Le Sicilien ou l'Amour peintre » Acte » SCÈNE XI

ISIDORE, DOM PÈDRE, ADRASTE, et DEUX LAQUAIS.

DOM PÈDRE.- Voici un gentilhomme que Damon nous envoie, qui se veut bien donner la peine de vous peindre. Adraste baise Isidore, en la saluant: et Dom Pèdre lui dit Holà, Seigneur Français, cette façon de saluer n'est point d'usage en ce pays.

ADRASTE.- C'est la manière de France.

DOM PÈDRE.- La manière de France est bonne pour vos femmes; mais pour les nôtres, elle est, un peu, trop familière.

ISIDORE.- Je reçois cet honneur avec beaucoup de joie; l'aventure me surprend fort; et, pour dire le vrai, je ne m'attendais pas d'avoir un peintre si illustre.

ADRASTE.- Il n'y a personne, sans doute, qui ne tînt à beaucoup de gloire, de toucher à un tel ouvrage. Je n'ai pas grande habileté; mais le sujet, ici, ne fournit que trop de lui-même, et il y a moyen de faire quelque chose de beau sur un original fait comme celui-là.

ISIDORE.- L'original est peu de chose, mais l'adresse du peintre en saura couvrir les défauts.

ADRASTE.- Le peintre n'y en voit aucun; et tout ce qu'il souhaite, est d'en pouvoir représenter les grâces aux yeux de tout le monde, aussi grandes qu'il les peut voir.

ISIDORE.- Si votre pinceau flatte autant que votre langue, vous allez me faire un portrait qui ne me ressemblera pas.

ADRASTE.- Le Ciel, qui fit l'original, nous ôte le moyen d'en faire un portrait qui puisse flatter.

ISIDORE.- Le Ciel, quoi que vous en disiez, ne...

DOM PÈDRE.- Finissons cela, de grâce, laissons les compliments, et songeons au portrait.

ADRASTE.- Allons, apportez tout.

On apporte tout ce qu'il faut, pour peindre Isidore.

ISIDORE.- Où voulez-vous que je me place?

ADRASTE.- Ici. Voici le lieu le plus avantageux, et qui reçoit le mieux les vues favorables de la lumière que nous cherchons.

ISIDORE.- Suis-je bien ainsi?

ADRASTE.- Oui. Levez-vous un peu, s'il vous plaît; un peu plus de ce côté-là; le corps tourné ainsi; la tête un peu levée, afin que la beauté du cou paraisse. Ceci un peu plus découvert. Il parle de sa gorge. Bon. Là, un peu davantage; encore tant soit peu.

DOM PÈDRE.- Il y a bien de la peine à vous mettre; ne sauriez-vous vous tenir comme il faut?

ISIDORE.- Ce sont, ici, des choses toutes neuves pour moi; et c'est à Monsieur à me mettre de la façon qu'il veut.

ADRASTE.- Voilà qui va le mieux du monde, et vous vous tenez à merveilles. La faisant tourner un peu devers lui. Comme cela, s'il vous plaît. Le tout dépend des attitudes* qu'on donne aux personnes qu'on peint.

DOM PÈDRE.- Fort bien.

ADRASTE.- Un peu plus de ce côté; vos yeux, toujours tournés vers moi, je vous en prie; vos regards attachés aux miens.

ISIDORE.- Je ne suis pas comme ces femmes qui veulent, en se faisant peindre, des portraits qui ne sont point elles, et ne sont point satisfaites du peintre, s'il ne les fait, toujours, plus belles que le jour*. Il faudrait, pour les contenter, ne faire qu'un portrait pour toutes; car, toutes, demandent les mêmes choses; un teint tout de lis et de roses, un nez bien fait, une petite bouche, et de grands yeux vifs, bien fendus; et surtout, le visage pas plus gros que le poing, l'eussent-elles d'un pied de large. Pour moi, je vous demande un portrait qui soit moi, et qui n'oblige point à demander qui c'est.

ADRASTE.- Il serait malaisé qu'on demandât cela du vôtre; et vous avez des traits à qui fort peu d'autres ressemblent. Qu'ils ont de douceurs, et de charmes! et qu'on court risque à les peindre!

DOM PÈDRE.- Le nez me semble, un peu trop gros.

ADRASTE.- J'ai lu, je ne sais où, qu'Apelle peignit, autrefois, une maîtresse d'Alexandre; d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint*, la peignant, si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie: de sorte qu'Alexandre, par générosité, lui céda l'objet de ses vœux. Il parle à Dom Pèdre. Je pourrais faire, ici, ce qu'Apelle fit autrefois; mais vous ne feriez pas, peut-être, ce que fit Alexandre.

ISIDORE.- Tout cela sent la nation; et, toujours, messieurs les Français ont un fonds de galanterie qui se répand partout.

ADRASTE.- On ne se trompe guère à ces sortes de choses; et vous avez l'esprit trop éclairé, pour ne pas voir de quelle source partent les choses qu'on vous dit. Oui, quand Alexandre serait ici, et que ce serait votre amant, je ne pourrais m'empêcher de vous dire, que je n'ai rien vu de si beau que ce que je vois maintenant, et que...

DOM PÈDRE.- Seigneur Français, vous ne devriez pas, ce me semble, parler*; cela vous détourne de votre ouvrage.

ADRASTE.- Ah! point du tout, j'ai, toujours, de coutume de parler quand je peins; et il est besoin, dans ces choses, d'un peu de conversation, pour réveiller l'esprit, et tenir les visages dans la gaieté nécessaire aux personnes que l'on veut peindre.