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Actes de l'oeuvre
George Dandin ou le mari confondu :

¤Acte 1
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
¤Acte 2
¤Acte 3
 
 

 

George Dandin ou le mari confondu » Acte 1 » SCÈNE IV

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Qu'est-ce, mon gendre? vous me paraissez tout troublé.

GEORGE DANDIN.- Aussi en ai-je du sujet, et...

MADAME DE SOTENVILLE.- Mon Dieu, notre gendre, que vous avez peu de civilité de ne pas saluer les gens quand vous les approchez.

GEORGE DANDIN.- Ma foi, ma belle-mère, c'est que j'ai d'autres choses en tête, et...

MADAME DE SOTENVILLE.- Encore! Est-il possible, notre gendre, que vous sachiez si peu votre monde, et qu'il n'y ait pas moyen de vous instruire de la manière qu'il faut vivre parmi les personnes de qualité*?

GEORGE DANDIN.- Comment?

MADAME DE SOTENVILLE.- Ne vous déferez-vous jamais avec moi de la familiarité de ce mot de ma belle-mère, et ne sauriez-vous vous accoutumer à me dire Madame.

GEORGE DANDIN.- Parbleu, si vous m'appelez votre gendre, il me semble que je puis vous appeler ma belle-mère.

MADAME DE SOTENVILLE.- Il y a fort à dire, et les choses ne sont pas égales. Apprenez, s'il vous plaît, que ce n'est pas à vous à vous servir de ce mot-là avec une personne de ma condition; que tout notre gendre que vous soyez, il y a grande différence de vous à nous, et que vous devez vous connaître*.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- C'en est assez mamour, laissons cela.

MADAME DE SOTENVILLE.- Mon Dieu, Monsieur de Sotenville, vous avez des indulgences qui n'appartiennent qu'à vous, et vous ne savez pas vous faire rendre par les gens ce qui vous est dû.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Corbleu, pardonnez-moi, on ne peut point me faire de leçons là-dessus, et j'ai su montrer en ma vie par vingt actions de vigueur, que je ne suis point homme à démordre jamais d'une partie de mes prétentions*. Mais il suffit de lui avoir donné un petit avertissement. Sachons un peu, mon gendre, ce que vous avez dans l'esprit.

GEORGE DANDIN.- Puisqu'il faut donc parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j'ai lieu de...

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Doucement, mon gendre. Apprenez qu'il n'est pas respectueux d'appeler les gens par leur nom, et qu'à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire Monsieur tout court.

GEORGE DANDIN.- Hé bien, Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j'ai à vous dire que ma femme me donne...

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Tout beau. Apprenez aussi que vous ne devez pas dire ma femme, quand vous parlez de notre fille.

GEORGE DANDIN.- J'enrage. Comment, ma femme n'est pas ma femme*?

MADAME DE SOTENVILLE.- Oui, notre gendre, elle est votre femme, mais il ne vous est pas permis de l'appeler ainsi, et c'est tout ce que vous pourriez faire, si vous aviez épousé une de vos pareilles.

GEORGE DANDIN.- Ah! George Dandin, où t'es-tu fourré? Et* de grâce, mettez pour un moment votre gentilhommerie à côté, et souffrez que je vous parle maintenant comme je pourrai. Au diantre soit la tyrannie de toutes ces histoires-là. Je vous dis donc que je suis mal satisfait de mon mariage.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Et la raison, mon gendre.

MADAME DE SOTENVILLE.- Quoi parler ainsi d'une chose dont vous avez tiré de si grands avantages?

GEORGE DANDIN.- Et quels avantages, Madame, puisque Madame y a? L'aventure n'a pas été mauvaise pour vous, car sans moi vos affaires, avec votre permission, étaient fort délabrées, et mon argent a servi à reboucher d'assez bons trous; mais moi de quoi y ai-je profité, je vous prie, que* d'un allongement de nom, et au lieu de George Dandin, d'avoir reçu par vous le titre de Monsieur de la Dandinière?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Ne comptez-vous rien, mon gendre, l'avantage d'être allié à la maison de Sotenville?

MADAME DE SOTENVILLE.- Et à celle de la Prudoterie, dont j'ai l'honneur d'être issue. Maison où le ventre anoblit*: et qui par ce beau privilège rendra vos enfants gentilshommes.

GEORGE DANDIN.- Oui, voilà qui est bien, mes enfants seront gentilshommes, mais je serai cocu moi, si l'on n'y met ordre.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Que veut dire cela, mon gendre?

GEORGE DANDIN.- Cela veut dire que votre fille ne vit pas comme il faut qu'une femme vive, et qu'elle fait des choses qui sont contre l'honneur.

MADAME DE SOTENVILLE.- Tout beau. Prenez garde à ce que vous dites. Ma fille est d'une race trop pleine de vertu pour se porter jamais à faire aucune chose dont l'honnêteté soit blessée, et de la maison de la Prudoterie, il y a plus de trois cents ans qu'on n'a point remarqué qu'il y ait eu une femme, Dieu merci, qui ait fait parler d'elle.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Corbleu, dans la maison de Sotenville on n'a jamais vu de coquette, et la bravoure n'y est pas plus héréditaire aux mâles, que la chasteté aux femelles.

MADAME DE SOTENVILLE.- Nous avons eu une Jacqueline de la Prudoterie qui ne voulut jamais être la maîtresse d'un duc et pair, gouverneur de notre province.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Il y a eu une Mathurine de Sotenville qui refusa vingt mille écus d'un favori du roi, qui ne lui demandait seulement que la faveur de lui parler.

GEORGE DANDIN.- Ho bien votre fille n'est pas si difficile que cela, et elle s'est apprivoisée depuis qu'elle est chez moi.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Expliquez-vous, mon gendre, nous ne sommes point gens à la supporter* dans de mauvaises actions, et nous serons les premiers, sa mère et moi, à vous en faire la justice.

MADAME DE SOTENVILLE.- Nous n'entendons point raillerie sur les matières de l'honneur, et nous l'avons élevée dans toute la sévérité possible.

GEORGE DANDIN.- Tout ce que je vous puis dire, c'est qu'il y a ici un certain courtisan que vous avez vu, qui est amoureux d'elle à ma barbe, et qui lui a fait faire des protestations d'amour, qu'elle a très humainement écoutées.

MADAME DE SOTENVILLE.- Jour de Dieu, je l'étranglerais de mes propres mains, s'il fallait qu'elle forlignât* de l'honnêteté de sa mère.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Corbleu, je lui passerais mon épée au travers du corps, à elle et au galant, si elle avait forfait à son honneur.

GEORGE DANDIN.- Je vous ai dit ce qui se passe pour vous faire mes plaintes, et je vous demande raison de cette affaire-là.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Ne vous tourmentez point, je vous la ferai de tous deux, et je suis homme pour serrer le bouton* à qui que ce puisse être. Mais êtes-vous bien sûr* aussi de ce que vous nous dites?

GEORGE DANDIN.- Très sûr.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Prenez bien garde au moins, car entre gentilshommes, ce sont des choses chatouilleuses, et il n'est pas question d'aller faire ici un pas de clerc.

GEORGE DANDIN.- Je ne vous ai rien dit, vous dis-je, qui ne soit véritable.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Mamour, allez-vous-en parler à votre fille, tandis qu'avec mon gendre j'irai parler à l'homme.

MADAME DE SOTENVILLE.- Se pourrait-il, mon fils, qu'elle s'oubliât de la sorte, après le sage exemple que vous savez vous-même que je lui ai donné?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Nous allons éclaircir l'affaire. Suivez-moi, mon gendre, et ne vous mettez pas en peine, vous verrez de quel bois nous nous chauffons lorsqu'on s'attaque à ceux qui nous peuvent appartenir*.

GEORGE DANDIN.- Le voici qui vient vers nous.