L'Étourdi ou les contretemps » Acte V » Scene VIII
CÉLIE, HIPPOLYTE. HIPPOLYTE Depuis votre séjour, les dames de ces lieux,Se plaignent justement des larcins de vos yeux; 1895 Si vous leur dérobez leurs conquêtes plus belles,Et de tous leurs amants faites des infidèles.Il n'est guère de cœurs qui puissent échapperAux traits, dont à l'abord vous savez les frapper;Et mille libertés à vos chaînes offertes, 1900 Semblent vous enrichir chaque jour de nos pertes?Quant à moi, toutefois je ne me plaindrais pas,Du pouvoir absolu de vos rares appas;Si lorsque mes amants sont devenus les vôtres,Un seul m'eût consolé de la perte des autres: 1905 Mais qu'inhumainement vous me les ôtiez tous,C'est un dur procédé, dont je me plains à vous. CÉLIE Voilà d'un air galant faire une raillerie;Mais, épargnez un peu celle qui vous en prie:Vos yeux, vos propres yeux, se connaissent trop bien, 1910 Pour pouvoir de ma part redouter jamais rien;Ils sont fort assurés du pouvoir de leurs charmes,Et ne prendront jamais de pareilles alarmes. HIPPOLYTE Pourtant, en ce discours je n'ai rien avancé,Qui dans tous les esprits ne soit déjà passé; 1915 Et, sans parler du reste, on sait bien que CélieA causé des désirs à Léandre et Lélie. CÉLIE Je crois, qu'étant tombés dans cet aveuglement,Vous vous consoleriez de leur perte aisément,Et trouveriez pour vous l'amant peu souhaitable, 1920 Qui d'un si mauvais choix se trouverait capable. HIPPOLYTE Au contraire, j'agis d'un air* tout différent,Et trouve en vos beautés un mérite si grand;J'y vois tant de raisons capables de défendreL'inconstance de ceux qui s'en laissent surprendre, 1925 Que je ne puis blâmer la nouveauté des feux,Dont envers moi Léandre a parjuré ses vœux;Et le vais voir tantôt, sans haine et sans colère,Ramené sous mes lois par le pouvoir d'un père.
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