Monsieur de Pourceaugnac » Acte 3 » SCÈNE II
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, en femme, SBRIGANI.SBRIGANI.- Pour moi, je ne crois pas qu'en cet état on puisse jamais vous connaître, et vous avez la mine comme cela, d'une femme de condition.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Voilà qui m'étonne, qu'en ce pays-ci les formes de la justice ne soient point observées.SBRIGANI.- Oui, je vous l'ai déjà dit, ils commencent ici par faire pendre un homme, et puis ils lui font son procès.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Voilà une justice bien injuste.SBRIGANI.- Elle est sévère comme tous les diables, particulièrement sur ces sortes de crimes.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Mais quand on est innocent?SBRIGANI.- N'importe, ils ne s'enquêtent point de cela; et puis ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays, et ils ne sont point plus ravis que de voir pendre un Limosin.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Qu'est-ce que les Limosins leur ont fait?SBRIGANI.- Ce sont des brutaux, ennemis de la gentillesse et du mérite des autres villes. Pour moi, je vous avoue que je suis pour vous dans une peur épouvantable; et je ne me consolerais de ma vie, si vous veniez à être pendu.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Ce n'est pas tant la peur de la mort qui me fait fuir, que de ce qu'il est fâcheux à un gentilhomme d'être pendu, et qu'une preuve comme celle-là ferait tort à nos titres de noblesse*.SBRIGANI.- Vous avez raison, on vous contesterait après cela le titre d'écuyer. Au reste, étudiez-vous, quand je vous mènerai par la main, à bien marcher comme une femme, et à prendre le langage et toutes les manières d'une personne de qualité.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Laissez-moi faire, j'ai vu les personnes du bel air; tout ce qu'il y a, c'est que j'ai un peu de barbe.SBRIGANI.- Votre barbe n'est rien, et il y a des femmes qui en ont autant que vous. Çà, voyons un peu comme vous ferez. Bon.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Allons donc, mon carrosse; où est-ce qu'est mon carrosse? Mon Dieu! qu'on est misérable d'avoir des gens comme cela! Est-ce qu'on me fera attendre toute la journée sur le pavé, et qu'on ne me fera point venir mon carrosse?SBRIGANI.- Fort bien.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Holà! ho! cocher, petit laquais! Ah! petit fripon, que de coups de fouet je vous ferai donner tantôt! Petit laquais, petit laquais! Où est-ce donc qu'est ce petit laquais? Ce petit laquais ne se trouvera-t-il point? Ne me fera-t-on point venir ce petit laquais? Est-ce que je n'ai point un petit laquais dans le monde?SBRIGANI.- Voilà qui va à merveille; mais je remarque une chose, cette coiffe est un peu trop déliée*; j'en vais querir une un peu plus épaisse, pour vous mieux cacher le visage, en cas de quelque rencontre.MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Que deviendrai-je cependant*?SBRIGANI.- Attendez-moi là. Je suis à vous dans un moment; vous n'avez qu'à vous promener.
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