L'École des maris » Acte 2 » SCÈNE V
VALÈRE, ERGASTE. VALÈRE Que vient de te donner cette farouche bête? ERGASTE 520 Cette lettre, Monsieur, qu'avecque cette boite*,On prétend qu'ait reçue Isabelle de vous,Et dont elle est, dit-il, en un fort grand courroux;C'est sans vouloir l'ouvrir qu'elle vous la fait rendre,Lisez vite, et voyons si je me puis méprendre. LETTRE "Cette lettre vous surprendra, sans doute, et l'on peut trouver bien hardi pour moi, et le dessein de vous l'écrire, et la manière de vous la faire tenir; mais je me vois dans un état à ne plus garder de mesures; la juste horreur d'un mariage, dont je suis menacée dans six jours, me fait hasarder toutes choses, et dans la résolution de m'en affranchir par quelque voie que ce soit, j'ai cru que je devais plutôt vous choisir que le désespoir. Ne croyez pas pourtant que vous soyez redevable de tout à ma mauvaise destinée; ce n'est pas la contrainte où je me trouve qui a fait naître les sentiments que j'ai pour vous; mais c'est elle qui en précipite le témoignage, et qui me fait passer sur des formalités où la bienséance du sexe oblige. Il ne tiendra qu'à vous que je sois à vous bientôt, et j'attends seulement que vous m'ayez marqué les intentions de votre amour, pour vous faire savoir la résolution que j'ai prise; mais surtout songez que le temps presse, et que deux cœurs qui s'aiment doivent s'entendre à demi-mot*." ERGASTE 525 Hé bien, Monsieur, le tour est-il d'original *,Pour une jeune fille, elle n'en sait pas mal,De ces ruses d'amour la croirait-on capable? VALÈRE Ah! je la trouve là tout à fait adorable,Ce trait de son esprit et de son amitié, 530 Accroît pour elle encor, mon amour de moitié,Et joint aux sentiments que sa beauté m'inspire... ERGASTE La dupe vient, songez à ce qu'il vous faut dire.
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