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Actes de l'oeuvre
Le Sicilien ou l'Amour peintre :

¤Acte
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
ºSCÈNE XI
ºSCÈNE XII
ºSCÈNE XIII
ºSCÈNE XIV
ºSCÈNE XV
ºSCÈNE XVI
ºSCÈNE XVII
ºSCÈNE XVII
ºSCÈNE XIX
ºSCÈNE DERNIÈRE
 
 

 

Le Sicilien ou l'Amour peintre » Acte » SCÈNE VI

DOM PÈDRE, ISIDORE.

ISIDORE.- Je ne sais pas quel plaisir vous prenez à me réveiller si matin; cela s'ajuste assez mal, ce me semble, au dessein que vous avez pris de me faire peindre aujourd'hui; et ce n'est guère pour avoir le teint frais, et les yeux brillants, que se lever dès la pointe du jour.

DOM PÈDRE.- J'ai une affaire qui m'oblige à sortir à l'heure qu'il est.

ISIDORE.- Mais l'affaire que vous avez, eût bien pu se passer, je crois, de ma présence; et vous pouviez, sans vous incommoder, me laisser goûter les douceurs du sommeil du matin.

DOM PÈDRE.- Oui; mais je suis bien aise de vous voir, toujours, avec moi. Il n'est pas mal de s'assurer, un peu, contre les soins des surveillants*; et cette nuit, encore, on est venu chanter sous nos fenêtres.

ISIDORE.- Il est vrai, la musique en était admirable.

DOM PÈDRE.- C'était pour vous que cela se faisait?

ISIDORE.- Je le veux croire ainsi, puisque vous me le dites.

DOM PÈDRE.- Vous savez qui était celui qui donnait cette sérénade?

ISIDORE.- Non pas; mais, qui que ce puisse être, je lui suis obligée.

DOM PÈDRE.- Obligée!

ISIDORE.- Sans doute, puisqu'il cherche à me divertir.

DOM PÈDRE.- Vous trouvez, donc, bon qu'on vous aime?

ISIDORE.- Fort bon; cela n'est jamais qu'obligeant.

DOM PÈDRE.- Et vous voulez du bien à tous ceux qui prennent ce soin?

ISIDORE.- Assurément.

DOM PÈDRE.- C'est dire fort net ses pensées.

ISIDORE.- À quoi bon de dissimuler? Quelque mine qu'on fasse, on est, toujours, bien aise d'être aimée: ces hommages à nos appas, ne sont, jamais, pour nous déplaire. Quoi qu'on en puisse dire, la grande ambition des femmes est, croyez-moi, d'inspirer de l'amour. Tous les soins qu'elles prennent, ne sont que pour cela; et l'on n'en voit point de si fière, qui ne s'applaudisse en son cœur des conquêtes que font ses yeux.

DOM PÈDRE.- Mais si vous prenez, vous, du plaisir, à vous voir aimée; savez-vous bien, moi qui vous aime, que je n'y en prends nullement?

ISIDORE.- Je ne sais pas pourquoi cela; et si j'aimais quelqu'un, je n'aurais point de plus grand plaisir, que de le voir aimé de tout le monde. Y a-t-il rien qui marque, davantage, la beauté du choix que l'on fait? et n'est-ce pas pour s'applaudir, que ce que nous aimons, soit trouvé fort aimable?

DOM PÈDRE.- Chacun aime à sa guise, et ce n'est pas là ma méthode. Je serai fort ravi qu'on ne vous trouve point si belle, et vous m'obligerez, de n'affecter point tant de la paraître* à d'autres yeux.

ISIDORE.- Quoi! jaloux de ces choses-là?

DOM PÈDRE.- Oui, jaloux de ces choses-là; mais jaloux comme un tigre, et, si vous voulez, comme un diable. Mon amour vous veut toute à moi; sa délicatesse s'offense d'un sourire*, d'un regard qu'on vous peut arracher; et tous les soins qu'on me voit prendre, ne sont que pour fermer tout accès aux galants, et m'assurer la possession d'un cœur dont je ne puis souffrir qu'on me vole la moindre chose.

ISIDORE.- Certes, voulez-vous que je dise? Vous prenez un mauvais parti; et la possession d'un cœur est fort mal assurée, lorsqu'on prétend le retenir par force. Pour moi, je vous l'avoue, si j'étais galant d'une femme qui fût au pouvoir de quelqu'un, je mettrais toute mon étude à rendre ce quelqu'un jaloux, et l'obliger à veiller, nuit, et jour, celle que je voudrais gagner. C'est un admirable moyen d'avancer ses affaires, et l'on ne tarde guère à profiter du chagrin, et de la colère que donne à l'esprit d'une femme, la contrainte et la servitude.

DOM PÈDRE.- Si bien, donc, que si quelqu'un vous en contait, il vous trouverait disposée à recevoir ses vœux?

ISIDORE.- Je ne vous dis rien là-dessus. Mais les femmes, enfin, n'aiment pas qu'on les gêne; et c'est beaucoup risquer, que de leur montrer des soupçons, et de les tenir renfermées.

DOM PÈDRE.- Vous reconnaissez peu ce que vous me devez: et il me semble qu'une esclave que l'on a affranchie, et dont on veut faire sa femme...

ISIDORE.- Quelle obligation vous ai-je, si vous changez mon esclavage en un autre beaucoup plus rude? Si vous ne me laissez jouir d'aucune liberté, et me fatiguez, comme on voit, d'une garde continuelle?

DOM PÈDRE.- Mais tout cela ne part que d'un excès d'amour.

ISIDORE.- Si c'est votre façon d'aimer, je vous prie de me haïr.

DOM PÈDRE.- Vous êtes, aujourd'hui, dans une humeur désobligeante; et je pardonne ces paroles au chagrin où vous pouvez être, de vous être levée matin.