La Princesse d'Élide » Acte III » SCÈNE III
LA PRINCESSE, MORON.LA PRINCESSE.- Tu as donc familiarité, Moron, avec le prince d'Ithaque?MORON.- Ah! Madame, il y a longtemps que nous nous connaissons.LA PRINCESSE.- D'où vient qu'il n'est pas venu jusques ici, et qu'il a pris cette autre route quand il m'a vue?MORON.- C'est un homme bizarre qui ne se plaît qu'à entretenir ses pensées.LA PRINCESSE.- Étais-tu tantôt au compliment qu'il m'a fait?MORON.- Oui, Madame, j'y étais, et je l'ai trouvé un peu impertinent, n'en déplaise à sa Principauté.LA PRINCESSE.- Pour moi je le confesse, Moron, cette fuite m'a choquée, et j'ai toutes les envies du monde de l'engager* pour rabattre un peu son orgueil.MORON.- Ma foi, Madame, vous ne feriez pas mal, il le mériterait bien: mais à vous dire vrai, je doute fort que vous y puissiez réussir.LA PRINCESSE.- Comment!MORON.- Comment! C'est le plus orgueilleux petit vilain que vous ayez jamais vu. Il lui semble qu'il n'y a personne au monde qui le mérite, et que la terre n'est pas digne de le porter.LA PRINCESSE.- Mais encore, ne t'a-t-il point parlé de moi?MORON.- Lui? non.LA PRINCESSE.- Il ne t'a rien dit de ma voix, et de ma danse?MORON.- Pas le moindre mot.LA PRINCESSE.- Certes ce mépris est choquant, et je ne puis souffrir cette hauteur étrange de ne rien estimer.MORON.- Il n'estime, et n'aime que lui.LA PRINCESSE.- Il n'y a rien que je ne fasse, pour le soumettre comme il faut.MORON.- Nous n'avons point de marbre dans nos montagnes qui soit plus dur et plus insensible que lui.LA PRINCESSE.- Le voilà.MORON.- Voyez-vous comme il passe, sans prendre garde à vous?LA PRINCESSE.- De grâce, Moron, va le faire aviser que je suis ici, et l'oblige à me venir aborder.
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