Psyché » Acte 2 » SCÈNE II
PSYCHÉ, AGLAURE, CIDIPPE. PSYCHÉ Suivez le Roi, mes sœurs, vous essuierez ses larmes,Vous adoucirez ses douleurs, 735 Et vous l'accableriez d'alarmes,Si vous vous exposiez encore à mes malheurs.Conservez-lui ce qui lui reste,Le serpent que j'attends peut vous être funeste,Vous envelopper dans mon sort, 740 Et me porter en vous une seconde mort.Le Ciel m'a seule condamnéeÀ son haleine empoisonnée,Rien ne saurait me secourir,Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir. AGLAURE 745 Ne nous enviez pas ce cruel avantageDe confondre nos pleurs avec vos déplaisirs,De mêler nos soupirs à vos derniers soupirs;D'une tendre amitié souffrez ce dernier gage. PSYCHÉ C'est vous perdre inutilement. CIDIPPE 750 C'est en votre faveur espérer un miracle,Ou vous accompagner jusques au monument. PSYCHÉ Que peut-on se promettre après un tel oracle? AGLAURE Un oracle jamais n'est sans obscurité,On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre, 755 Et peut-être après tout n'en devez-vous attendreQue gloire, et que félicité.Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue,Cette frayeur mortelle heureusement déçue,Ou mourir du moins avec vous, 760 Si le Ciel à nos vœux ne se montre plus doux. PSYCHÉ Ma sœur, écoutez mieux la voix de la nature,Qui vous appelle auprès du Roi.Vous m'aimez trop, le devoir en murmure,Vous en savez l'indispensable loi, 765 Un père vous doit être encor plus cher que moi.Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse,Vous lui devez chacune un gendre, et des neveux,Mille rois à l'envi vous gardent leur tendresse,Mille rois à l'envi vous offriront leurs vœux: 770 L'oracle me veut seule, et seule aussi je veuxMourir, si je puis, sans faiblesse,Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deuxDe ce que malgré moi la nature m'en laisse. AGLAURE Partager vos malheurs, c'est vous importuner? CIDIPPE 775 J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire? PSYCHÉ Non, mais enfin c'est me gêner,Et peut-être du Ciel redoubler la colère. AGLAURE Vous le voulez, et nous partons.Daigne ce même Ciel plus juste et moins sévère, 780 Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons,Et que notre amitié sincèreEn dépit de l'oracle et malgré vous espère. PSYCHÉ Adieu. C'est un espoir, ma sœur, et des souhaits,Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.
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