Les fourberies de Scapin » Acte 2 » SCÈNE PREMIÈRE
GÉRONTE, ARGANTE.GÉRONTE.- Oui, sans doute*, par le temps qu'il fait, nous aurons ici nos gens aujourd'hui; et un matelot qui vient de Tarente, m'a assuré qu'il avait vu mon homme qui était près de s'embarquer. Mais l'arrivée de ma fille trouvera les choses mal disposées à ce que nous nous proposions; et ce que vous venez de m'apprendre de votre fils, rompt étrangement les mesures que nous avions prises ensemble.ARGANTE.- Ne vous mettez pas en peine; je vous réponds de renverser tout cet obstacle, et j'y vais travailler de ce pas.GÉRONTE.- Ma foi, seigneur Argante, voulez-vous que je vous dise? l'éducation des enfants est une chose à quoi il faut s'attacher fortement.ARGANTE.- Sans doute*. À quel propos cela?GÉRONTE.- À propos, de ce que les mauvais déportements des jeunes gens viennent le plus souvent de la mauvaise éducation que leurs pères leur donnent.ARGANTE.- Cela arrive parfois. Mais que voulez-vous dire par là?GÉRONTE.- Ce que je veux dire par là?ARGANTE.- Oui.GÉRONTE.- Que si vous aviez en brave père, bien morigéné votre fils, il ne vous aurait pas joué le tour qu'il vous a fait.ARGANTE.- Fort bien. De sorte donc que vous avez bien mieux morigéné le vôtre?GÉRONTE.- Sans doute*, et je serais bien fâché qu'il m'eût rien fait approchant de cela.ARGANTE.- Et si ce fils que vous avez, en brave père, si bien morigéné, avait fait pis encore que le mien; eh?GÉRONTE.- Comment?ARGANTE.- Comment?GÉRONTE.- Qu'est-ce que cela veut dire?ARGANTE.- Cela veut dire, Seigneur Géronte, qu'il ne faut pas être si prompt à condamner la conduite des autres; et que ceux qui veulent gloser, doivent bien regarder chez eux, s'il n'y a rien qui cloche.GÉRONTE.- Je n'entends point cette énigme.ARGANTE.- On vous l'expliquera.GÉRONTE.- Est-ce que vous auriez ouï dire quelque chose de mon fils?ARGANTE.- Cela se peut faire.GÉRONTE.- Et quoi encore?ARGANTE.- Votre Scapin, dans mon dépit*, ne m'a dit la chose qu'en gros; et vous pourrez de lui, ou de quelque autre, être instruit du détail. Pour moi, je vais vite consulter un avocat, et aviser des biais que j'ai à prendre*. Jusqu'au revoir.
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