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Actes de l'oeuvre
Amphitryon :

¤Acte 1
ºPROLOGUE
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
¤Acte 2
¤Acte 3
 
 

 

Amphitryon » Acte 1 » SCÈNE III

JUPITER, ALCMÈNE, CLÉANTHIS, MERCURE.


JUPITER
530 Défendez, chère Alcmène, aux flambeaux d'approcher;
Ils m'offrent des plaisirs, en m'offrant votre vue:
Mais ils pourraient ici découvrir ma venue,
Qu'il est à propos de cacher.
Mon amour, que gênaient tous ces soins éclatants,
535 Où me tenait lié la gloire de nos armes,
Au devoir de ma charge, a volé les instants,
Qu'il vient de donner à vos charmes.
Ce vol, qu'à vos beautés mon cœur a consacré,
Pourrait être blâmé dans la bouche publique;
540 Et j'en veux pour témoin unique,
Celle qui peut m'en savoir gré.

ALCMÈNE
Je prends, Amphitryon, grande part à la gloire,
Que répandent sur vous vos illustres exploits;
Et l'éclat de votre victoire
545 Sait toucher de mon cœur les sensibles endroits.
Mais quand je vois que cet honneur fatal
Éloigne de moi ce que j'aime,
Je ne puis m'empêcher dans ma tendresse extrême,
De lui vouloir un peu de mal,
550 Et d'opposer mes vœux à cet ordre suprême,
Qui des Thébains vous fait le général.
C'est une douce chose, après une victoire,
Que la gloire, où l'on voit ce qu'on aime élevé:
Mais parmi les périls mêlés à cette gloire,
555 Un triste coup, hélas! est bientôt arrivé.
De combien de frayeurs a-t-on l'âme blessée,
Au moindre choc dont on entend parler?
Voit-on, dans les horreurs d'une telle pensée,
Par où jamais se consoler
560 Du coup, dont on est menacée?
Et de quelque laurier qu'on couronne un vainqueur;
Quelque part que l'on ait à cet honneur suprême;
Vaut-il ce qu'il en coûte aux tendresses d'un cœur,
Qui peut, à tout moment, trembler pour ce qu'il aime?

JUPITER
565 Je ne vois rien en vous, dont mon feu ne s'augmente.
Tout y marque à mes yeux un cœur bien enflammé.
Et c'est, je vous l'avoue, une chose charmante,
De trouver tant d'amour dans un objet aimé.
Mais, si je l'ose dire, un scrupule me gêne,
570 Aux tendres sentiments que vous me faites voir;
Et pour les bien goûter, mon amour, chère Alcmène,
Voudrait n'y voir entrer, rien de votre devoir:
Qu'à votre seule ardeur; qu'à ma seule personne,
Je dusse les faveurs que je reçois de vous;
575 Et que la qualité que j'ai de votre époux,
Ne fût point ce qui me les donne.

ALCMÈNE
C'est de ce nom pourtant, que l'ardeur qui me brûle,
Tient le droit de paraître au jour:
Et je ne comprends rien à ce nouveau scrupule,
580 Dont s'embarrasse votre amour.

JUPITER*
Ah! ce que j'ai pour vous d'ardeur, et de tendresse,
Passe aussi celle d'un époux;
Et vous ne savez pas, dans des moments si doux,
Quelle en est la délicatesse.
585 Vous ne concevez point qu'un cœur bien amoureux,
Sur cent petits égards s'attache avec étude;
Et se fait une inquiétude,
De la manière d'être heureux.
En moi, belle, et charmante Alcmène,
590 Vous voyez un mari; vous voyez un amant:
Mais l'amant seul me touche, à parler franchement;
Et je sens près de vous, que le mari le gêne.
Cet amant, de vos vœux, jaloux au dernier point,
Souhaite qu'à lui seul votre cœur s'abandonne;
595 Et sa passion ne veut point,
De ce que le mari lui donne.
Il veut, de pure source, obtenir vos ardeurs;
Et ne veut rien tenir des nœuds de l'hyménée:
Rien d'un fâcheux devoir, qui fait agir les cœurs,
600 Et par qui, tous les jours, des plus chères faveurs,
La douceur est empoisonnée.
Dans le scrupule enfin, dont il est combattu,
Il veut, pour satisfaire à sa délicatesse,
Que vous le sépariez d'avec ce qui le blesse;
605 Que le mari ne soit que pour votre vertu;
Et que de votre cœur, de bonté revêtu,
L'amant ait tout l'amour, et toute la tendresse.

ALCMÈNE
Amphitryon, en vérité,
Vous vous moquez, de tenir ce langage:
610 Et j'aurais peur qu'on ne vous crût pas sage,
Si de quelqu'un vous étiez écouté.

JUPITER
Ce discours est plus raisonnable,
Alcmène, que vous ne pensez:
Mais un plus long séjour me rendrait trop coupable,
615 Et du retour au port, les moments sont pressés.
Adieu, de mon devoir l'étrange barbarie,
Pour un temps, m'arrache de vous.
Mais, belle Alcmène, au moins, quand vous verrez l'époux,
Songez à l'amant, je vous prie.

ALCMÈNE
620 Je ne sépare point ce qu'unissent les Dieux;
Et l'époux, et l'amant, me sont fort précieux.

CLÉANTHIS
Ô Ciel! que d'aimables caresses
D'un époux ardemment chéri!
Et que mon traître de mari
625 Est loin de toutes ces tendresses!

MERCURE
La Nuit, qu'il me faut avertir,
N'a plus qu'à plier tous ses voiles;
Et pour effacer les étoiles,
Le Soleil, de son lit, peut maintenant sortir.