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Actes de l'oeuvre
Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
¤Acte 4
¤Acte 5
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
 
 

 

Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux » Acte 5 » SCÈNE V

DOM SYLVE, DONE ELVIRE, DONE IGNÈS.


DONE ELVIRE
1690 Avant que vous parliez je demande instamment,
Que vous daigniez, Seigneur, m'écouter un moment;
Déjà la renommée a jusqu'à nos oreilles
Porté de votre bras les soudaines merveilles;
Et j'admire avec tous, comme en si peu de temps,
1695 Il donne à nos destins ces succès éclatants.
Je sais bien qu'un bienfait de cette conséquence
Ne saurait demander trop de reconnaissance,
Et qu'on doit toute chose à l'exploit immortel
Qui replace mon frère au trône paternel.
1700 Mais quoi que de son cœur vous offrent les hommages,
Usez en généreux de tous vos avantages,
Et ne permettez pas que ce coup glorieux
Jette sur moi, Seigneur, un joug impérieux,
Que votre amour qui sait quel intérêt m'anime,
1705 S'obstine à triompher d'un refus légitime,
Et veuille que ce frère, où l'on va m'exposer*
Commence d'être roi pour me tyranniser.
Léon a d'autres prix, dont en cette occurrence,
Il peut mieux honorer votre haute vaillance;
1710 Et c'est à vos vertus faire un présent trop bas,
Que vous donner un cœur qui ne se donne pas.
Peut-on être jamais satisfait en soi-même,
Lorsque par la contrainte on obtient ce qu'on aime?
C'est un triste avantage, et l'amant généreux
1715 À ces conditions refuse d'être heureux;
Il ne veut rien devoir à cette violence
Qu'exercent sur nos cœurs les droits de la naissance,
Et pour l'objet qu'il aime est toujours trop zélé,
Pour souffrir qu'en victime il lui soit immolé;
1720 Ce n'est pas que ce cœur au mérite d'un autre
Prétende réserver ce qu'il refuse au vôtre:
Non, Seigneur, j'en réponds, et vous donne ma foi
Que personne jamais n'aura pouvoir sur moi;
Qu'une sainte retraite à toute autre poursuite...

DOM SYLVE
1725 J'ai de votre discours assez souffert la suite,
Madame, et par deux mots je vous l'eusse épargné,
Si votre fausse alarme eût sur vous moins gagné.
Je sais qu'un bruit commun qui partout se fait croire,
De la mort du tyran me veut donner la gloire;
1730 Mais le seul peuple, enfin, comme on nous fait savoir,
Laissant par Dom Louis échauffer son devoir,
A remporté l'honneur de cet acte héroïque,
Dont mon nom est chargé par la rumeur publique.
Et ce qui d'un tel bruit a fourni le sujet,
1735 C'est que pour appuyer son illustre projet,
Dom Louis fit semer par une feinte utile,
Que secondé des miens j'avais saisi la ville,
Et par cette nouvelle il a poussé les bras,
Qui d'un usurpateur ont hâté le trépas.
1740 Par son zèle prudent il a su tout conduire,
Et c'est par un des siens qu'il vient de m'en instruire;
Mais dans le même instant un secret m'est appris
Qui va vous étonner autant qu'il m'a surpris.
Vous attendez un frère, et Léon son vrai maître,
1745 À vos yeux maintenant le Ciel le fait paraître.
Oui, je suis Dom Alphonse, et mon sort conservé,
Et sous le nom du sang de Castille élevé,
Est un fameux effet de l'amitié sincère,
Qui fut entre son Prince, et le Roi notre père*.
1750 Dom Louis du secret a toutes les clartés,
Et doit aux yeux de tous prouver ces vérités.
D'autres soins maintenant occupent ma pensée,
Non, qu'à votre sujet elle soit traversée,
Que ma flamme querelle un tel événement,
1755 Et qu'en mon cœur le frère importune l'amant.
Mes feux par ce secret ont reçu sans murmure,
Le changement qu'en eux a prescrit la nature;
Et le sang qui nous joint m'a si bien détaché
De l'amour, dont pour vous mon cœur était touché,
1760 Qu'il ne respire plus pour faveur souveraine
Que les chères douceurs de sa première chaîne,
Et le moyen de rendre à l'adorable Ignès,
Ce que de ses bontés a mérité l'excès;
Mais son sort incertain rend le mien misérable,
1765 Et si ce qu'on en dit se trouvait véritable,
En vain Léon m'appelle, et le trône m'attend,
La couronne n'a rien à me rendre content;
Et je n'en veux l'éclat que pour goûter la joie,
D'en couronner l'objet où le Ciel me renvoie,
1770 Et pouvoir réparer par ces justes tributs
L'outrage que j'ai fait à ses rares vertus.
Madame, c'est de vous que j'ai raison d'attendre,
Ce que de son destin mon âme peut apprendre,
Instruisez-m'en de grâce, et par votre discours,
1775 Hâtez mon désespoir, ou le bien de mes jours.

DONE ELVIRE
Ne vous étonnez pas si je tarde à répondre,
Seigneur, ces nouveautés ont droit de me confondre,
Je n'entreprendrai point de dire à votre amour,
Si Done Ignès est morte, ou respire le jour;
1780 Mais par ce cavalier, l'un de ses plus fidèles,
Vous en pourrez sans doute apprendre des nouvelles?

DON SYLVE ou DOM ALPHONSE*
Ah! Madame, il m'est doux en ces perplexités
De voir ici briller vos célestes beautés,
Mais vous avec quels yeux verrez-vous un volage,
Dont le crime...

DONE IGNÈS
1785 Ah! gardez de me faire un outrage,
Et de vous hasarder à dire que vers moi,
Un cœur, dont je fais cas ait pu manquer de foi;
J'en refuse l'idée, et l'excuse me blesse,
Rien n'a pu m'offenser auprès de la Princesse,
1790 Et tout ce que d'ardeur elle vous a causé,
Par un si haut mérite est assez excusé.
Cette flamme vers moi ne vous rend point coupable,
Et dans le noble orgueil, dont je me sens capable,
Sachez si vous l'étiez, que ce serait en vain,
1795 Que vous présumeriez de fléchir mon dédain,
Et qu'il n'est repentir, ni suprême puissance
Qui gagnât sur mon cœur d'oublier cette offense.

DONE ELVIRE
Mon frère, d'un tel nom souffrez-moi la douceur,
De quel ravissement comblez-vous une sœur;
1800 Que j'aime votre choix, et bénis l'aventure,
Qui vous fait couronner une amitié si pure,
Et de deux nobles cœurs que j'aime tendrement...