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Actes de l'oeuvre
Les Precieuses ridicules :

¤Acte I
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
ºSCÈNE XI
ºSCÈNE XII
ºSCÈNE XIII
ºSCÈNE XIV
ºSCÈNE XV
ºSCÈNE XVI
ºSCÈNE XVII
 
 

 

Les Precieuses ridicules » Acte I » SCÈNE XI

JODELET, MASCARILLE, CATHOS, MAGDELON, MAROTTE.

MASCARILLE.- Ah Vicomte!

JODELET, s'embrassant l'un l'autre.- Ah Marquis!

MASCARILLE.- Que je suis aise de te rencontrer!

JODELET.- Que j'ai de joie de te voir ici!

MASCARILLE.- Baise-moi donc encore un peu, je te prie.

MAGDELON.- Ma toute bonne, nous commençons d'être connues, voilà le beau monde qui prend le chemin de nous venir voir.

MASCARILLE.- Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci. Sur ma parole, il est digne d'être connu de vous.

JODELET.- Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit, et vos attraits exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes.

MAGDELON.- C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la flatterie.

CATHOS.- Cette journée doit être marquée dans notre almanach, comme une journée bienheureuse.

MAGDELON.- Allons, petit garçon, faut-il toujours vous répéter les choses? voyez-vous pas qu'il faut le surcroît d'un fauteuil?

MASCARILLE.- Ne vous étonnez pas de voir le Vicomte de la sorte, il ne fait que sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pâle, comme vous le voyez*.

JODELET.- Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre.

MASCARILLE.- Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le Vicomte un des vaillants hommes du siècle? C'est un brave à trois poils*.

JODELET.- Vous ne m'en devez rien*, Marquis, et nous savons ce que vous savez faire aussi.

MASCARILLE.- Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion.

JODELET.- Et dans des lieux où il faisait fort chaud*.

MASCARILLE, les regardant toutes deux.- Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hay, hay, hay.

JODELET.- Notre connaissance s'est faite à l'armée, et la première fois que nous nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les galères de Malte.

MASCARILLE.- Il est vrai; mais vous étiez pourtant dans l'emploi avant que j'y fusse, et je me souviens que je n'étais que petit officier encore, que vous commandiez deux mille chevaux.

JODELET.- La guerre est une belle chose: mais ma foi, la cour récompense bien mal aujourd'hui les gens de service comme nous.

MASCARILLE.- C'est ce qui fait que je veux pendre l'épée au croc.

CATHOS.- Pour moi j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée.

MAGDELON.- Je les aime aussi: mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure.

MASCARILLE.- Te souvient-il, Vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur les ennemis au siège d'Arras?

JODELET.- Que veux-tu dire avec ta demi-lune? C'était bien une lune tout entière*.

MASCARILLE.- Je pense que tu as raison.

JODELET.- Il m'en doit bien souvenir, ma foi: j'y fus blessé à la jambe d'un coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de grâce, vous sentirez quelque coup, c'était là*.

CATHOS.- Il est vrai que la cicatrice est grande.

MASCARILLE.- Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci: là, justement au derrière de la tête. Y êtes-vous?

MAGDELON.- Oui, je sens quelque chose.

MASCARILLE.- C'est un coup de mousquet que je reçus la dernière campagne que j'ai faite.

JODELET.- Voici un autre coup qui me perça de part en part à l'attaque de Gravelines.

MASCARILLE, mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.- Je vais vous montrer une furieuse plaie.

MAGDELON.- Il n'est pas nécessaire, nous le croyons, sans y regarder.

MASCARILLE.- Ce sont des marques honorables, qui font voir ce qu'on est.

CATHOS.- Nous ne doutons point de ce que vous êtes.

MASCARILLE.- Vicomte, as-tu là ton carrosse?

JODELET.- Pourquoi?

MASCARILLE.- Nous mènerions promener ces dames hors des portes, et leur donnerions un cadeau*.

MAGDELON.- Nous ne saurions sortir aujourd'hui.

MASCARILLE.- Ayons donc les violons pour danser.

JODELET.- Ma foi c'est bien avisé.

MAGDELON.- Pour cela nous y consentons; mais il faut donc quelque surcroît de compagnie.

MASCARILLE.- Holà Champagne, Picard, Bourguignon, Casquaret, Basque, La Verdure, Lorrain, Provençal, La Violette. Au diable soient tous les laquais. Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme en France plus mal servi que moi. Ces canailles me laissent toujours seul.

MAGDELON.- Almanzor, dites aux gens de Monsieur, qu'ils aillent quérir des violons, et nous faites venir ces Messieurs, et ces Dames d'ici près, pour peupler la solitude de notre bal.

MASCARILLE.- Vicomte, que dis-tu de ces yeux?

JODELET.- Mais toi-même, Marquis que t'en semble?

MASCARILLE.- Moi, je dis, que nos libertés auront peine à sortir d'ici les braies nettes*. Au moins, pour moi, je reçois d'étranges secousses, et mon cœur ne tient plus qu'à un filet.

MAGDELON.- Que tout ce qu'il dit est naturel! Il tourne les choses le plus agréablement du monde.

CATHOS.- Il est vrai, qu'il fait une furieuse dépense en esprit.

MASCARILLE.- Pour vous montrer que je suis véritable, je veux faire un impromptu là-dessus*.

CATHOS.- Eh je vous en conjure de toute la dévotion de mon cœur, que nous ayons quelque chose* qu'on ait fait pour nous.

JODELET.- J'aurais envie d'en faire autant: mais je me trouve un peu incommodé de la veine poétique, pour la quantité des saignées que j'y ai faites ces jours passés*.

MASCARILLE.- Que diable est celà? Je fais toujours bien le premier vers: mais j'ai peine à faire les autres. Ma foi, ceci est un peu trop pressé, je vous ferai un impromptu à loisir, que vous trouverez le plus beau du monde.

JODELET.- Il a de l'esprit comme un démon.

MAGDELON.- Et du galant, et du bien tourné.

MASCARILLE.- Vicomte dis-moi un peu, y a-t-il longtemps, que tu n'as vu la Comtesse?

JODELET.- Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite.

MASCARILLE.- Sais-tu bien que le Duc m'est venu voir ce matin, et m'a voulu mener à la campagne, courir un cerf, avec lui?

MAGDELON.- Voici nos amies, qui viennent.