Le bourgeois gentilhomme » Acte 5 » Ballet
La comédie finit par un petit ballet qui avait été préparé.PREMIÈRE ENTRÉEUn homme vient donner les livres du ballet, qui d'abord est fatigué par une multitude de gens de provinces différentes, qui crient en musique pour en avoir, et par trois Importuns qu'il trouve toujours sur ses pas. DIALOGUE DES GENSqui en musique demandent des livres.TOUSÀ moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi, Monsieur,Un livre, s'il vous plaît, à votre serviteur.HOMME DU BEL AIRMonsieur, distinguez-nous parmi les gens qui crient.Quelques livres ici, les dames vous en prient.AUTRE HOMME DU BEL AIRHolà! Monsieur, Monsieur, ayez la charitéD'en jeter de notre côté.FEMME DU BEL AIRMon Dieu! qu'aux personnes bien faites,On sait peu rendre honneur céans.AUTRE FEMME DU BEL AIRIls n'ont des livres et des bancs,Que pour Mesdames les grisettes.GASCONAho! l'homme aux libres, qu'on m'en vaille,J'ai déjà lé poumon usé,Bous boyez qué chacun mé raille,Et jé suis escandaliséDe boir és mains dé la canaille,Cé qui m'est par bous refusé.AUTRE GASCONEh cadédis, Monseu, boyez qui l'on pût être;Un libret, je bous prie, au varon d'Asbarat.Jé pense, mordy, qué lé fatN'a pas l'honnur dé mé connaître.LE SUISSEMon'-sieur le donneur de papieir,Que veul dir sti façon de fifre,Moy l'écorchair tout mon gosieirÀ crieir,Sans que je pouvre afoir ein lifre;Pardy, mon foi, Mon'-sieur, je pense fous l'être ifre.VIEUX BOURGEOIS BABILLARDDe tout ceci, franc et net,Je suis mal satisfait;Et cela sans doute est laid,Que notre filleSi bien faite et si gentille,De tant d'amoureux l'objet,N'ait pas à son souhaitUn livre de ballet,Pour lire le sujetDu divertissement qu'on fait,Et que toute notre familleSi proprement s'habille,Pour être placée au sommetDe la salle, où l'on metLes gens de Lantriguet:De tout ceci, franc et netJe suis mal satisfait,Et cela sans doute est laid.VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDEIl est vrai que c'est une honte,Le sang au visage me monte,Et ce jeteur de vers qui manque au capital,L'entend fort mal;C'est un brutal,Un vrai cheval,Franc animal,De faire si peu de compteD'une fille qui fait l'ornement principalDu quartier du Palais-Royal,Et que ces jours passés un comteFut prendre la première au bal.Il l'entend mal,C'est un brutal,Un vrai cheval,Franc animal.HOMMES ET FEMMES DU BEL AIRAh! quel bruit!Quel fracas!Quel chaos!Quel mélange!Quelle confusion!Quelle cohue étrange!Quel désordre!Quel embarras!On y sèche.L'on n'y tient pas. GASCON Bentré jé suis à vout. AUTRE GASCON J'enrage, Diou mé damne. SUISSE Ah que ly faire saif dans sty sal de cians. GASCON Jé murs. AUTRE GASCON Jé perds la tramontane. SUISSE Mon foi! moi le foudrais être hors de dedans. VIEUX BOURGEOIS BABILLARDAllons, ma mie,Suivez mes pas,Je vous en prie,Et ne me quittez pas,On fait de nous trop peu de cas,Et je suis lasDe ce tracas:Tout ce fatras,Cet embarrasMe pèse par trop sur les bras:S'il me prend jamais envieDe retourner de ma vieÀ ballet ni comédie,Je veux bien qu'on m'estropie.Allons, ma mie,Suivez mes pas,Je vous en prie,Et ne me quittez pas,On fait de nous trop peu de cas.VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDEAllons, mon mignon, mon fils,Regagnons notre logis,Et sortons de ce taudis,Où l'on ne peut être assis;Ils seront bien ébaubisQuand ils nous verront partis.Trop de confusion règne dans cette salle,Et j'aimerais mieux être au milieu de la Halle;Si jamais je reviens à semblable régale,Je veux bien recevoir des soufflets plus de six.Allons, mon mignon, mon fils,Regagnons notre logis,Et sortons de ce taudis,Où l'on ne peut être assis.TOUSÀ moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi, Monsieur:Un livre, s'il vous plaît, à votre serviteur.SECONDE ENTRÉELes trois Importuns dansent.TROISIÈME ENTRÉETROIS ESPAGNOLS chantent.Sé que me muero de amor,Y solicito el dolor.Aun muriendo de quererDe tan buen ayre adolezcoQue es mas de lo que padezcoLo que quiero padecerY no pudiendo excederA mi deseo el rigor.Sé que me muero de amor,Y solicito el dolor.Lisonxeame la suerteCon piedad tan advertida,Que me assegura la vidaEn el riesgo de la muerteVivir de su golpe fuerteEs de mi salud primor.Sé que, etc.Six Espagnols dansent.TROIS MUSICIENS ESPAGNOLSAy! que locura, con tanto rigorQuexarse de AmorDel niño bonitoQue todo es dulçuraAy que locura,Ay que locura.ESPAGNOL, chantant.El dolor solicitaEl que al dolor se daY nadie de amor muereSino quien no save amar.DEUX ESPAGNOLSDulce muerte es el amorCon correspondencia ygual,Y si esta gozamos oPorque la quieres turbar?UN ESPAGNOLAlegrese enamoradoY tome mi parecerQue en esto de quererTodo es hallar el vado.TOUS TROIS ensemble.Vaya, vaya de fiestas,Vaya de vayle,Alegria, alegria, alegria,Que esto de dolor es fantasia.QUATRIÈME ENTRÉEITALIENSUNE MUSICIENNE ITALIENNEfait le premier récit, dont voici les paroles:Di rigori armata il senoContro amor mi ribella,Ma fui vinta in un balenoIn mirar duo vaghi rai,Ahi che resiste puocoCor di gelo a stral di fuoco.Ma si caro è'l mio tormentoDolce è sí la piaga mia,Ch'il penare è'l mio contento,E'l sanarmi è tirannia.Ahi che più giova, e piaceQuanto amor è più vivace.Après l'air que la Musicienne a chanté, deux Scaramouches, deux Trivelins et un Arlequin représentent une nuit à la manière des comédiens italiens, en cadence.Un Musicien italien se joint à la Musicienne italienne, et chante avec elle les paroles qui suivent:LE MUSICIEN ITALIENBel tempo che volaRapisce il contento,D'Amor nella scolaSi coglie il momento.LA MUSICIENNEInsin che floridaRide l'etàChe pur tropp' orridaDa noi sen và.TOUS DEUXSù cantiamo,Sù godiamoNé bei dì di gioventù:Perduto ben non si racquista più.MUSICIENPupilla che vagaMill' alme incatena,Fà dolce la piagaFelice la pena.MUSICIENNEMa poiche frigidaLangue l'età,Più l'alma rigidaFiamme non ha.TOUS DEUXSù cantiamo, etc.Après le dialogue italien, les Scaramouches et Trivelins dansent une réjouissance.CINQUIÈME ENTRÉEFRANÇAISPREMIER MENUETDEUX MUSICIENS POITEVINSdansent, et chantent les paroles qui suivent.Ah! qu'il fait beau dans ces bocages,Ah! que le Ciel donne un beau jour.AUTRE MUSICIENLe rossignol, sous ces tendres feuillages,Chante aux échos son doux retour:Ce beau séjour,Ces doux ramages,Ce beau séjourNous invite à l'amour.SECOND MENUETTOUS DEUX ensemble.Vois ma Climène,Vois sous ce chêneS'entre-baiser ces oiseaux amoureux;Ils n'ont rien dans leurs vœuxQui les gêne,De leurs doux feuxLeur âme est pleine.Qu'ils sont heureux!Nous pouvons tous deux,Si tu le veux,Être comme eux.Six autres Français viennent après, vêtus galamment à la poitevine, trois en hommes, et trois en femmes, accompagnés de huit flûtes et de hautbois, et dansent les menuets.SIXIÈME ENTRÉETout cela finit par le mélange des trois nations, et les applaudissements en danse et en musique de toute l'assistance, qui chante les deux vers qui suivent:Quels spectacles charmants, quels plaisirs goûtons-nous!Les Dieux mêmes, les Dieux, n'en ont point de plus doux.
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