Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux » Acte 4 » SCÈNE PREMIÈRE
DONE ELVIRE, DOM ALVAR. DONE ELVIRE Retournez, Dom Alvar, et perdez l'espérance,De me persuader l'oubli de cette offense; 1090 Cette plaie en mon cœur ne saurait se guérir,Et les soins qu'on en prend ne font rien que l'aigrir.À quelques faux respects croit-il que je défère?Non, non, il a poussé trop avant ma colère;Et son vain repentir qui porte ici vos pas, 1095 Sollicite un pardon que vous n'obtiendrez pas. DOM ALVAR Madame, il fait pitié, jamais cœur que je pense,Par un plus vif remords n'expia son offense;Et si dans sa douleur vous le considériez,Il toucherait votre âme, et vous l'excuseriez. 1100 On sait bien que le Prince est dans un âge à suivreLes premiers mouvements, où son âme se livre,Et qu'en un sang bouillant, toutes les passionsNe laissent guère place à des réflexions.Dom Lope prévenu d'une fausse lumière*, 1105 De l'erreur de son maître, a fourni la matière;Un bruit assez confus, dont le zèle indiscret,A de l'abord du Comte éventé le secret,Vous avait mise aussi de cette intelligence,Qui dans ces lieux gardés a donné sa présence*, 1110 Le Prince a cru l'avis, et son amour séduit*,Sur une fausse alarme a fait tout ce grand bruit;Mais d'une telle erreur son âme est revenue,Votre innocence, enfin, lui vient d'être connue,Et Dom Lope, qu'il chasse, est un visible effet, 1115 Du vif remords qu'il sent de l'éclat qu'il a fait. DONE ELVIRE Ah! c'est trop promptement qu'il croit mon innocence,Il n'en a pas encore une entière assurance;Dites-lui, dites-lui, qu'il doit bien tout peser,Et ne se hâter point, de peur de s'abuser. DOM ALVAR Madame, il sait trop bien... DONE ELVIRE 1120 Mais, Dom Alvar, de grâce, N'étendons pas plus loin un discours qui me lasse,Il réveille un chagrin qui vient à contre-temps,En troubler dans mon cœur d'autres plus importants.Oui, d'un trop grand malheur la surprise me presse, 1125 Et le bruit du trépas de l'illustre comtesse,Doit s'emparer si bien de tout mon déplaisir,Qu'aucun autre souci n'a droit de me saisir. DOM ALVAR Madame, ce peut être une fausse nouvelle,Mais mon retour au Prince, en porte une cruelle. DONE ELVIRE 1130 De quelque grand ennui* qu'il puisse être agité,Il en aura toujours moins qu'il n'a mérité.
|