L'École des femmes » Acte 2 » SCÈNE III
ALAIN, GEORGETTE. GEORGETTE 415 Mon Dieu, qu'il est terrible! Ses regards m'ont fait peur, mais une peur horrible,Et jamais je ne vis un plus hideux chrétien. ALAIN Ce Monsieur l'a fâché, je te le disais bien. GEORGETTE Mais que diantre est-ce là, qu'avec tant de rudesse 420 Il nous fait au logis garder notre maîtresse?D'où vient qu'à tout le monde il veut tant la cacher,Et qu'il ne saurait voir personne en approcher? ALAIN C'est que cette action le met en jalousie. GEORGETTE Mais d'où vient qu'il est pris de cette fantaisie? ALAIN 425 Cela vient... Cela vient, de ce qu'il est jaloux. GEORGETTE Oui: mais pourquoi l'est-il? et pourquoi ce courroux? ALAIN C'est que la jalousie... Entends-tu bien, Georgette,Est une chose... là... qui fait qu'on s'inquiète...Et qui chasse les gens d'autour d'une maison. 430 Je m'en vais te bailler une comparaison,Afin de concevoir la chose davantage.Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage,Que si quelque affamé venait pour en manger,Tu serais en colère, et voudrais le charger? GEORGETTE Oui, je comprends cela. ALAIN 435 C'est justement tout comme. La femme est en effet le potage de l'homme;Et quand un homme voit d'autres hommes parfois,Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,Il en montre aussitôt une colère extrême. GEORGETTE 440 Oui: mais pourquoi chacun n'en fait-il pas de même?Et que nous en voyons qui paraissent joyeux,Lorsque leurs femmes sont avec les biaux monsieux*? ALAIN C'est que chacun n'a pas cette amitié goulue,Qui n'en veut que pour soi. GEORGETTE Si je n'ai la berlue, Je le vois qui revient. ALAIN 445 Tes yeux sont bons, c'est lui. GEORGETTE Vois comme il est chagrin. ALAIN C'est qu'il a de l'ennui.
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