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Actes de l'oeuvre
Les fourberies de Scapin :

¤Acte 1
¤Acte 2
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
¤Acte 3
 
 

 

Les fourberies de Scapin » Acte 2 » SCÈNE VI

SILVESTRE, ARGANTE, SCAPIN.

SILVESTRE*.- Scapin, faites-moi connaître un peu cet Argante, qui est père d'Octave.

SCAPIN.- Pourquoi, Monsieur?

SILVESTRE.- Je viens d'apprendre qu'il veut me mettre en procès, et faire rompre par justice le mariage de ma sœur.

SCAPIN.- Je ne sais pas s'il a cette pensée; mais il ne veut point consentir aux deux cents pistoles que vous voulez, et il dit que c'est trop.

SILVESTRE.- Par la mort, par la tête, par la ventre*, si je le trouve, je le veux échiner, dussé-je être roué tout vif.

Argante, pour n'être point vu, se tient en tremblant couvert de Scapin.

SCAPIN.- Monsieur, ce père d'Octave a du cœur, et peut-être ne vous craindra-t-il point.

SILVESTRE.- Lui? lui? Par la sang, par la tête, s'il était là, je lui donnerais tout à l'heure* de l'épée dans le ventre. Qui est cet homme-là?

SCAPIN.- Ce n'est pas lui, Monsieur, ce n'est pas lui.

SILVESTRE.- N'est-ce point quelqu'un de ses amis?

SCAPIN.- Non, Monsieur, au contraire, c'est son ennemi capital.

SILVESTRE.- Son ennemi capital?

SCAPIN.- Oui.

SILVESTRE.- Ah, parbleu, j'en suis ravi. Vous êtes ennemi, Monsieur, de ce faquin d'Argante; eh?

SCAPIN.- Oui, oui, je vous en réponds.

SILVESTRE, lui prend rudement la main.- Touchez là. Touchez. Je vous donne ma parole, et vous jure sur mon honneur, par l'épée que je porte, par tous les serments que je saurais faire, qu'avant la fin du jour je vous déferai de ce maraud fieffé, de ce faquin d'Argante. Reposez-vous sur moi.

SCAPIN.- Monsieur, les violences en ce pays-ci ne sont guère souffertes.

SILVESTRE.- Je me moque de tout, et je n'ai rien à perdre.

SCAPIN.- Il se tiendra sur ses gardes assurément; et il a des parents, des amis, et des domestiques, dont il se fera un secours contre votre ressentiment.

SILVESTRE.- C'est ce que je demande, morbleu, c'est ce que je demande. (Il met l'épée à la main, et pousse de tous les côtés, comme s'il y avait plusieurs personnes devant lui.) Ah, tête! ah, ventre! Que ne le trouvé-je à cette heure avec tout son secours! Que ne paraît-il à mes yeux au milieu de trente personnes! Que ne les vois-je fondre sur moi les armes à la main! Comment, marauds, vous avez la hardiesse de vous attaquer à moi? Allons, morbleu, tue, point de quartier. Donnons. Ferme. Poussons. Bon pied, bon œil. Ah coquins, ah canaille, vous en voulez par là; je vous en ferai tâter votre soûl. Soutenez, marauds, soutenez. Allons. À cette botte. À cette autre. À celle-ci. À celle-là. Comment, vous reculez? Pied ferme, morbleu, pied ferme.

SCAPIN.- Eh, eh, eh, Monsieur, nous n'en sommes pas.

SILVESTRE.- Voilà qui vous apprendra à vous oser jouer à moi.

SCAPIN.- Hé bien, vous voyez combien de personnes tuées pour deux cents pistoles. Oh sus, je vous souhaite une bonne fortune*.

ARGANTE, tout tremblant.- Scapin.

SCAPIN.- Plaît-il?

ARGANTE.- Je me résous à donner les deux cents pistoles.

SCAPIN.- J'en suis ravi, pour l'amour de vous.

ARGANTE.- Allons le trouver, je les ai sur moi.

SCAPIN.- Vous n'avez qu'à me les donner. Il ne faut pas pour votre honneur, que vous paraissiez là, après avoir passé ici pour autre que ce que vous êtes; et de plus, je craindrais qu'en vous faisant connaître, il n'allât s'aviser de vous demander davantage.

ARGANTE.- Oui; mais j'aurais été bien aise de voir comme je donne mon argent.

SCAPIN.- Est-ce que vous vous défiez de moi?

ARGANTE.- Non pas, mais...

SCAPIN.- Parbleu, Monsieur, je suis un fourbe, ou je suis honnête homme; c'est l'un des deux. Est-ce que je voudrais vous tromper, et que dans tout ceci j'ai d'autre intérêt que le vôtre, et celui de mon maître, à qui vous voulez vous allier? Si je vous suis suspect, je ne me mêle plus de rien, et vous n'avez qu'à chercher, dès cette heure, qui accommodera vos affaires.

ARGANTE.- Tiens donc.

SCAPIN.- Non, Monsieur, ne me confiez point votre argent. Je serai bien aise que vous vous serviez de quelque autre.

ARGANTE.- Mon Dieu, tiens.

SCAPIN.- Non, vous dis-je, ne vous fiez point à moi. Que sait-on, si je ne veux point vous attraper votre argent?

ARGANTE.- Tiens, te dis-je, ne me fais point contester davantage. Mais songe à bien prendre tes sûretés avec lui.

SCAPIN.- Laissez-moi faire, il n'a pas affaire à un sot.

ARGANTE.- Je vais t'attendre chez moi.

SCAPIN.- Je ne manquerai pas d'y aller. Et un. Je n'ai qu'à chercher l'autre. Ah, ma foi, le voici. Il semble que le Ciel, l'un après l'autre, les amène dans mes filets.