Les Femmes savantes » Acte 4 » SCÈNE IV
JULIEN, TRISSOTIN, PHILAMINTE, CLITANDRE, ARMANDE. JULIEN Le savant qui tantôt vous a rendu visite,Et de qui j'ai l'honneur de me voir le valet*,Madame, vous exhorte à lire ce billet. PHILAMINTE Quelque important que soit ce qu'on veut que je lise, 1390 Apprenez, mon ami, que c'est une sottiseDe se venir jeter au travers d'un discours,Et qu'aux gens d'un logis il faut avoir recours,Afin de s'introduire en valet qui sait vivre. JULIEN Je noterai cela, Madame, dans mon livre. PHILAMINTE lit: Trissotin s'est vanté, Madame, qu'il épouserait votre fille. Je vous donne avis que sa philosophie n'en veut qu'à vos richesses, et que vous ferez bien de ne point conclure ce mariage, que vous n'ayez vu le poème que je compose contre lui. En attendant cette peinture où je prétends vous le dépeindre de toutes ses couleurs, je vous envoie Horace, Virgile, Térence et Catulle, où vous verrez notés en marge tous les endroits qu'il a pillés. PHILAMINTE poursuit. 1395 Voilà sur cet hymen que je me suis promisUn mérite attaqué de beaucoup d'ennemis;Et ce déchaînement aujourd'hui me convie,À faire une action qui confonde l'envie;Qui lui fasse sentir que l'effort qu'elle fait, 1400 De ce qu'elle veut rompre, aura pressé l'effet.Reportez tout cela sur l'heure à votre maître;Et lui dites, qu'afin de lui faire connaîtreQuel grand état je fais de ses nobles avis,Et comme je les crois dignes d'être suivis, 1405 Dès ce soir à Monsieur je marierai ma fille;Vous, Monsieur, comme ami de toute la famille,À signer leur contrat vous pourrez assister,Et je vous y veux bien de ma part inviter.Armande, prenez soin d'envoyer au notaire, 1410 Et d'aller avertir votre sœur de l'affaire. ARMANDE Pour avertir ma sœur, il n'en est pas besoin,Et Monsieur que voilà, saura prendre le soinDe courir lui porter bientôt cette nouvelle,Et disposer son cœur à vous être rebelle. PHILAMINTE 1415 Nous verrons qui sur elle aura plus de pouvoir,Et si je la saurai réduire à son devoir.Elle s'en va. ARMANDE J'ai grand regret, Monsieur, de voir qu'à vos visées,Les choses ne soient pas tout à fait disposées. CLITANDRE Je m'en vais travailler, Madame, avec ardeur, 1420 À ne vous point laisser ce grand regret au cœur. ARMANDE J'ai peur que votre effort n'ait pas trop bonne issue. CLITANDRE Peut-être verrez-vous votre crainte déçue. ARMANDE Je le souhaite ainsi. CLITANDRE J'en suis persuadé, Et que de votre appui je serai secondé. ARMANDE 1425 Oui, je vais vous servir de toute ma puissance. CLITANDRE Et ce service est sûr de ma reconnaissance.
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