Monsieur de Pourceaugnac » Acte 2 » SCÈNE II
ORONTE, PREMIER MÉDECIN.PREMIER MÉDECIN.- Vous avez, Monsieur, un certain Monsieur de Pourceaugnac, qui doit épouser votre fille.ORONTE.- Oui, je l'attends de Limoges, et il devrait être arrivé.PREMIER MÉDECIN.- Aussi l'est-il, et il s'en est fui de chez moi, après y avoir été mis; mais je vous défends de la part de la médecine, de procéder au mariage que vous avez conclu, que je ne l'aie dûment préparé pour cela, et mis en état de procréer des enfants bien conditionnés et de corps et d'esprit.ORONTE.- Comment donc?PREMIER MÉDECIN.- Votre prétendu gendre* a été constitué mon malade: sa maladie qu'on m'a donné à guérir, est un meuble qui m'appartient, et que je compte entre mes effets; et je vous déclare que je ne prétends point* qu'il se marie, qu'au préalable il n'ait satisfait à la médecine, et subi les remèdes que je lui ai ordonnés.ORONTE.- Il a quelque mal?PREMIER MÉDECIN.- Oui.ORONTE.- Et quel mal, s'il vous plaît?PREMIER MÉDECIN.- Ne vous en mettez pas en peine.ORONTE.- Est-ce quelque mal...PREMIER MÉDECIN.- Les médecins sont obligés au secret: il suffit que je vous ordonne, à vous et à votre fille, de ne point célébrer, sans mon consentement, vos noces avec lui, sur peine d'encourir la disgrâce de la Faculté, et d'être accablés de toutes les maladies qu'il nous plaira.ORONTE.- Je n'ai garde, si cela est, de faire le mariage.PREMIER MÉDECIN.- On me l'a mis entre les mains, et il est obligé d'être mon malade.ORONTE.- À la bonne heure.PREMIER MÉDECIN.- Il a beau fuir, je le ferai condamner par arrêt à se faire guérir par moi.ORONTE.- J'y consens.PREMIER MÉDECIN.- Oui, il faut qu'il crève, ou que je le guérisse.ORONTE.- Je le veux bien.PREMIER MÉDECIN.- Et si je ne le trouve, je m'en prendrai à vous, et je vous guérirai au lieu de lui.ORONTE.- Je me porte bien.PREMIER MÉDECIN.- Il n'importe, il me faut un malade, et je prendrai qui je pourrai.ORONTE.- Prenez qui vous voudrez, mais ce ne sera pas moi. Voyez un peu la belle raison.
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