Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Les Femmes savantes :

¤Acte 1
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
¤Acte 2
¤Acte 3
¤Acte 4
¤Acte 5
 
 

 

Les Femmes savantes » Acte 1 » SCÈNE II

CLITANDRE, ARMANDE, HENRIETTE.


HENRIETTE
Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur,
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur,
Découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre
Qui de nous à vos vœux est en droit de prétendre.

ARMANDE
125 Non, non, je ne veux point à votre passion
Imposer la rigueur d'une explication;
Je ménage les gens, et sais comme embarrasse
Le contraignant effort de ces aveux en face.

CLITANDRE
Non, Madame, mon cœur qui dissimule peu,
130 Ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu;
Dans aucun embarras un tel pas ne me jette,
Et j'avouerai tout haut d'une âme franche et nette,
Que les tendres liens où je suis arrêté,
Mon amour et mes vœux, sont tout de ce côté*.
135 Qu'à nulle émotion cet aveu ne vous porte;
Vous avez bien voulu les choses de la sorte,
Vos attraits m'avaient pris, et mes tendres soupirs
Vous ont assez prouvé l'ardeur de mes désirs:
Mon cœur vous consacrait une flamme immortelle,
140 Mais vos yeux n'ont pas cru leur conquête assez belle;
J'ai souffert sous leur joug cent mépris différents,
Ils régnaient sur mon âme en superbes tyrans,
Et je me suis cherché, lassé de tant de peines,
Des vainqueurs plus humains, et de moins rudes chaînes:
145 Je les ai rencontrés, Madame, dans ces yeux,
Et leurs traits à jamais me seront précieux;
D'un regard pitoyable ils ont séché mes larmes,
Et n'ont pas dédaigné le rebut de vos charmes;
De si rares bontés m'ont si bien su toucher,
150 Qu'il n'est rien qui me puisse à mes fers arracher;
Et j'ose maintenant vous conjurer, Madame,
De ne vouloir tenter nul effort sur ma flamme,
De ne point essayer à rappeler un cœur
Résolu de mourir dans cette douce ardeur.

ARMANDE
155 Eh qui vous dit, Monsieur, que l'on ait cette envie,
Et que de vous enfin si fort on se soucie?
Je vous trouve plaisant, de vous le figurer;
Et bien impertinent, de me le déclarer .

HENRIETTE
Eh doucement, ma sœur. Où donc est la morale
160 Qui sait si bien régir la partie animale,
Et retenir la bride aux efforts du courroux?

ARMANDE
Mais vous qui m'en parlez, où la pratiquez-vous,
De répondre à l'amour que l'on vous fait paraître,
Sans le congé* de ceux qui vous ont donné l'être?
165 Sachez que le devoir vous soumet à leurs lois,
Qu'il ne vous est permis d'aimer que par leur choix,
Qu'ils ont sur votre cœur l'autorité suprême,
Et qu'il est criminel d'en disposer vous-même.

HENRIETTE
Je rends grâce aux bontés que vous me faites voir,
170 De m'enseigner si bien les choses du devoir;
Mon cœur sur vos leçons veut régler sa conduite,
Et pour vous faire voir, ma sœur, que j'en profite,
Clitandre, prenez soin d'appuyer votre amour
De l'agrément de ceux dont j'ai reçu le jour,
175 Faites-vous sur mes vœux un pouvoir légitime,
Et me donnez moyen de vous aimer sans crime.

CLITANDRE
J'y vais de tous mes soins travailler hautement,
Et j'attendais de vous ce doux consentement.

ARMANDE
Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine
180 À vous imaginer que cela me chagrine.

HENRIETTE
Moi, ma sœur, point du tout; je sais que sur vos sens
Les droits de la raison sont toujours tout-puissants,
Et que par les leçons qu'on prend dans la sagesse,
Vous êtes au-dessus d'une telle faiblesse.
185 Loin de vous soupçonner d'aucun chagrin, je croi
Qu'ici vous daignerez vous employer pour moi,
Appuyer sa demande, et de votre suffrage
Presser l'heureux moment de notre mariage.
Je vous en sollicite, et pour y travailler...

ARMANDE
190 Votre petit esprit se mêle de railler,
Et d'un cœur qu'on vous jette on vous voit toute fière.

HENRIETTE
Tout jeté qu'est ce cœur, il ne vous déplaît guère;
Et si vos yeux sur moi le pouvaient ramasser,
Ils prendraient aisément le soin de se baisser.

ARMANDE
195 À répondre à cela je ne daigne descendre,
Et ce sont sots discours qu'il ne faut pas entendre.

HENRIETTE
C'est fort bien fait à vous, et vous nous faites voir
Des modérations qu'on ne peut concevoir.