La Princesse d'Élide » Acte III » SCÈNE V
LA PRINCESSE, MORON, PHILIS, TIRCIS.MORON.- Il ne vous en doit rien, Madame, en dureté de cœur.LA PRINCESSE.- Je donnerais volontiers tout ce que j'ai au monde, pour avoir l'avantage d'en triompher.MORON.- Je le crois.LA PRINCESSE.- Ne pourrais-tu, Moron, me servir dans un tel dessein?MORON.- Vous savez bien, Madame, que je suis tout à votre service.LA PRINCESSE.- Parle-lui de moi dans tes entretiens, vante-lui adroitement ma personne, et les avantages de ma naissance, et tâche d'ébranler ses sentiments, par la douceur de quelque espoir. Je te permets de dire tout ce que tu voudras, pour tâcher à me l'engager.MORON.- Laissez-moi faire.LA PRINCESSE.- C'est une chose qui me tient au cœur, je souhaite ardemment qu'il m'aime.MORON.- Il est bien fait, oui, ce petit pendard-là; il a bon air, bonne physionomie, et je crois qu'il serait assez le fait d'une jeune princesse.LA PRINCESSE.- Enfin tu peux tout espérer de moi, si tu trouves moyen d'enflammer pour moi son cœur.MORON.- Il n'y a rien qui ne se puisse faire; mais, Madame s'il venait à vous aimer, que feriez-vous, s'il vous plaît?LA PRINCESSE.- Ah! ce serait lors que je prendrais plaisir à triompher pleinement de sa vanité, à punir son mépris par mes froideurs, et à exercer sur lui toutes les cruautés que je pourrais imaginer.MORON.- Il ne se rendra jamais.LA PRINCESSE.- Ah! Moron, il faut faire en sorte qu'il se rende.MORON.- Non, il n'en fera rien, je le connais, ma peine sera inutile*.LA PRINCESSE.- Si faut-il pourtant tenter toute chose, et éprouver si son âme est entièrement insensible. Allons, je veux lui parler, et suivre une pensée qui vient de me venir.
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