L'École des femmes » Acte 4 » SCÈNE VII
ARNOLPHE Quoi? l'astre qui s'obstine à me désespérer,Ne me donnera pas le temps de respirer,Coup sur coup je verrai par leur intelligence, 1185 De mes soins vigilants confondre la prudence,Et je serai la dupe en ma maturité,D'une jeune innocente, et d'un jeune éventé?En sage philosophe on m'a vu vingt années,Contempler des maris les tristes destinées, 1190 Et m'instruire avec soin de tous les accidents,Qui font dans le malheur tomber les plus prudents,Des disgrâces d'autrui profitant dans mon âme,J'ai cherché les moyens voulant prendre une femme,De pouvoir garantir mon front de tous affronts, 1195 Et le tirer de pair d'avec les autres fronts*;Pour ce noble dessein j'ai cru mettre en pratique,Tout ce que peut trouver l'humaine politique,Et comme si du sort il était arrêté,Que nul homme ici-bas n'en serait exempté, 1200 Après l'expérience, et toutes les lumières,Que j'ai pu m'acquérir sur de telles matières,Après vingt ans et plus, de méditation,Pour me conduire en tout avec précaution,De tant d'autres maris j'aurais quitté la trace, 1205 Pour me trouver après dans la même disgrâce*.Ah bourreau de destin vous en aurez menti,De l'objet qu'on poursuit, je suis encor nanti;Si son cœur m'est volé par ce blondin funeste,J'empêcherai du moins qu'on s'empare du reste, 1210 Et cette nuit qu'on prend pour ce galant exploit,Ne se passera pas si doucement qu'on croit,Ce m'est quelque plaisir parmi tant de tristesse,Que l'on me donne avis du piège qu'on me dresse,Et que cet étourdi qui veut m'être fatal, 1215 Fasse son confident de son propre rival.
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