Psyché » Acte 3 » SCÈNE II
PSYCHÉ 995 Où suis-je? et dans un lieu que je croyais barbare,Quelle savante main a bâti ce palais,Que l'art, que la nature pareDe l'assemblage le plus rareQue l'œil puisse admirer jamais? 1000 Tout rit, tout brille, tout éclate,Dans ces jardins, dans ces appartements,Dont les pompeux ameublementsN'ont rien qui n'enchante et ne flatte;Et de quelque côté que tournent mes frayeurs, 1005 Je ne vois sous mes pas que de l'or, ou des fleurs. Le Ciel aurait-il fait cet amas de merveillesPour la demeure d'un serpent?Et lorsque par leur vue il amuse et suspendDe mon destin jaloux les rigueurs sans pareilles, 1010 Veut-il montrer qu'il s'en repent?Non, non, c'est de sa haine, en cruautés féconde,Le plus noir, le plus rude trait,Qui, par une rigueur nouvelle et sans seconde,N'étale ce choix qu'elle a fait 1015 De ce qu'a de plus beau le monde,Qu'afin que je le quitte avec plus de regret. Que mon espoir est ridicule,S'il croit par là soulager mes douleurs!Tout autant de moments que ma mort se recule, 1020 Sont autant de nouveaux malheurs;Plus elle tarde, et plus de fois je meurs. Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime,Monstre qui dois me déchirer;Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime 1025 Tes fureurs à me dévorer?Si le Ciel veut ma mort, si ma vie est un crime,De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer,Je suis lasse de murmurerContre un châtiment légitime, 1030 Je suis lasse de soupirer:Viens, que j'achève d'expirer.
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