Psyché » Acte 5 » SCÈNE PREMIÈRE
PSYCHÉ Effroyables replis des ondes infernales,Noirs palais où Mégère et ses sœurs font leur cour,Éternels ennemis du jour,Parmi vos Ixions, et parmi vos Tantales, 1670 Parmi tant de tourments qui n'ont point d'intervalles,Est-il dans votre affreux séjourQuelques peines qui soient égalesAux travaux où Vénus condamne mon amour?Elle n'en peut être assouvie, 1675 Et depuis qu'à ses lois je me trouve asservie,Depuis qu'elle me livre à ses ressentiments,Il m'a fallu dans ces cruels momentsPlus d'une âme, et plus d'une vie,Pour remplir ses commandements. 1680 Je souffrirais tout avec joie,Si, parmi les rigueurs que sa haine déploie,Mes yeux pouvaient revoir, ne fût-ce qu'un moment,Ce cher, cet adorable amant:Je n'ose le nommer; ma bouche criminelle 1685 D'avoir trop exigé de lui,S'en est rendue indigne, et dans ce dur ennuiLa souffrance la plus mortelleDont m'accable à toute heure un renaissant trépas,Est celle de ne le voir pas. 1690 Si son courroux durait encore,Jamais aucun malheur n'approcherait du mien:Mais s'il avait pitié d'une âme qui l'adore,Quoi qu'il fallût souffrir, je ne souffrirais rien.Oui, Destins, s'il calmait cette juste colère, 1695 Tous mes malheurs seraient finis:Pour me rendre insensible aux fureurs de la mère,Il ne faut qu'un regard du fils.Je n'en veux plus douter, il partage ma peine,Il voit ce que je souffre, et souffre comme moi, 1700 Tout ce que j'endure le gêne,Lui-même il s'en impose une amoureuse loi:En dépit de Vénus, en dépit de mon crime,C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime,Au milieu des périls où l'on me fait courir: 1705 Il garde la tendresse où son feu le convie,Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,Chaque fois qu'il me faut mourir.Mais que me veulent ces deux ombresQu'à travers le faux jour de ces demeures sombres 1710 J'entrevois s'avancer vers moi?
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