L'École des maris » Acte 3 » SCÈNE VIII
LÉONOR, LISETTE, SGANARELLE, ARISTE. LÉONOR 1040 Ô l'étrange martyre, Que tous ces jeunes fous me paraissent fâcheux,Je me suis dérobée au bal pour l'amour d'eux*. LISETTE Chacun d'eux près de vous veut se rendre agréable. LÉONOR Et moi je n'ai rien vu de plus insupportable, 1045 Et je préférerais le plus simple entretien,À tous les contes bleus* de ces diseurs de rien*;Ils croyent* que tout cède à leur perruque blonde,Et pensent avoir dit le meilleur mot du monde,Lorsqu'ils viennent d'un ton de mauvais goguenard, 1050 Vous railler sottement sur l'amour d'un vieillard;Et moi d'un tel vieillard je prise plus le zèle,Que tous les beaux transports d'une jeune cervelle:Mais n'aperçois-je pas... SGANARELLE Oui l'affaire est ainsi: Ah! je la vois paraître, et la servante aussi*. ARISTE 1055 Léonor, sans courroux, j'ai sujet de me plaindre,Vous savez si jamais j'ai voulu vous contraindre,Et si plus de cent fois je n'ai pas protestéDe laisser à vos vœux leur pleine liberté;Cependant votre cœur méprisant mon suffrage, 1060 De foi comme d'amour à mon insu s'engage;Je ne me repens pas de mon doux traitement,Mais votre procédé me touche assurément,Et c'est une action que n'a pas méritéeCette tendre amitié que je vous ai portée. LÉONOR 1065 Je ne sais pas sur quoi vous tenez ce discours;Mais croyez que je suis de même que toujours*,Que rien ne peut pour vous altérer mon estime,Que toute autre amitié me paraîtrait un crime,Et que si vous voulez satisfaire mes vœux, 1070 Un saint nœud dès demain nous unira nous deux*. ARISTE Dessus quel fondement venez-vous donc mon frère...? SGANARELLE Quoi vous ne sortez pas du logis de Valère,Vous n'avez point conté vos amours aujourd'hui,Et vous ne brûlez pas depuis un an pour lui? LÉONOR 1075 Qui vous a fait de moi de si belles peintures,Et prend soin de forger de telles impostures?
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