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Actes de l'oeuvre
L'Avare :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
¤Acte 4
¤Acte 5
 
 

 

L'Avare » Acte 3 » SCÈNE VII

CLÉANTE, HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, FROSINE.

CLÉANTE.- Madame, à vous dire le vrai, c'est ici une aventure où sans doute* je ne m'attendais pas; et mon père ne m'a pas peu surpris, lorsqu'il m'a dit tantôt le dessein qu'il avait formé.

MARIANE.- Je puis dire la même chose. C'est une rencontre imprévue qui m'a surprise autant que vous; et je n'étais point préparée à une pareille aventure.

CLÉANTE.- Il est vrai que mon père, Madame, ne peut pas faire un plus beau choix, et que ce m'est une sensible joie, que l'honneur de vous voir: mais avec tout cela, je ne vous assurerai point que je me réjouis du dessein où vous pourriez être de devenir ma belle-mère. Le compliment, je vous l'avoue, est trop difficile pour moi; et c'est un titre, s'il vous plaît, que je ne vous souhaite point. Ce discours paraîtra brutal aux yeux de quelques-uns; mais je suis assuré que vous serez personne à le prendre comme il faudra. Que c'est un mariage, Madame, où vous vous imaginez bien que je dois avoir de la répugnance; que vous n'ignorez pas, sachant ce que je suis, comme il choque mes intérêts; et que vous voulez bien enfin que je vous dise, avec la permission de mon père, que si les choses dépendaient de moi, cet hymen* ne se ferait point.

HARPAGON.- Voilà un compliment bien impertinent. Quelle belle confession à lui faire!

MARIANE.- Et moi, pour vous répondre, j'ai à vous dire que les choses sont fort égales; et que si vous auriez de la répugnance à me voir votre belle-mère, je n'en aurais pas moins sans doute* à vous voir mon beau-fils. Ne croyez pas, je vous prie, que ce soit moi qui cherche à vous donner cette inquiétude. Je serais fort fâchée de vous causer du déplaisir; et si je ne m'y vois forcée par une puissance absolue, je vous donne ma parole, que je ne consentirai point au mariage qui vous chagrine.

HARPAGON.- Elle a raison. À sot compliment, il faut une réponse de même. Je vous demande pardon, ma belle, de l'impertinence de mon fils. C'est un jeune sot, qui ne sait pas encore la conséquence des paroles qu'il dit.

MARIANE.- Je vous promets que ce qu'il m'a dit ne m'a point du tout offensée; au contraire, il m'a fait plaisir de m'expliquer ainsi ses véritables sentiments. J'aime de lui un aveu de la sorte; et s'il avait parlé d'autre façon, je l'en estimerais bien moins.

HARPAGON.- C'est beaucoup de bonté à vous, de vouloir ainsi excuser ses fautes. Le temps le rendra plus sage, et vous verrez qu'il changera de sentiments.

CLÉANTE.- Non, mon père, je ne suis point capable d'en changer; et je prie instamment Madame de le croire.

HARPAGON.- Mais voyez quelle extravagance! Il continue encore plus fort.

CLÉANTE.- Voulez-vous que je trahisse mon cœur?

HARPAGON.- Encore? Avez-vous envie* de changer de discours?

CLÉANTE.- Hé bien, puisque vous voulez que je parle d'autre façon; souffrez, Madame, que je me mette ici à la place de mon père; et que je vous avoue, que je n'ai rien vu dans le monde de si charmant que vous; que je ne conçois rien d'égal au bonheur de vous plaire; et que le titre de votre époux est une gloire, une félicité, que je préférerais aux destinées des plus grands princes de la terre. Oui, Madame, le bonheur de vous posséder est à mes regards la plus belle de toutes les fortunes; c'est où j'attache toute mon ambition. Il n'y a rien que je ne sois capable de faire pour une conquête si précieuse; et les obstacles les plus puissants...

HARPAGON.- Doucement, mon fils, s'il vous plaît.

CLÉANTE.- C'est un compliment que je fais pour vous à Madame.

HARPAGON.- Mon Dieu, j'ai une langue pour m'expliquer moi-même, et je n'ai pas besoin d'un procureur* comme vous. Allons, donnez des sièges.

FROSINE.- Non, il vaut mieux que de ce pas nous allions à la foire, afin d'en revenir plus tôt, et d'avoir tout le temps ensuite de vous entretenir.

HARPAGON.- Qu'on mette donc les chevaux au carrosse. Je vous prie de m'excuser, ma belle, si je n'ai pas songé à vous donner un peu de collation avant que de partir.

CLÉANTE.- J'y ai pourvu, mon père, et j'ai fait apporter ici quelques bassins d'oranges de la Chine, de citrons doux, et de confitures, que j'ai envoyé quérir de votre part.

HARPAGON bas à Valère.- Valère!

VALÈRE à Harpagon.- Il a perdu le sens.

CLÉANTE.- Est-ce que vous trouvez, mon père, que ce ne soit pas assez? Madame aura la bonté d'excuser cela, s'il lui plaît.

MARIANE.- C'est une chose qui n'était pas nécessaire.

CLÉANTE.- Avez-vous jamais vu, Madame, un diamant plus vif que celui que vous voyez que mon père a au doigt?

MARIANE.- Il est vrai qu'il brille beaucoup.

CLÉANTE. Il l'ôte du doigt de son père, et le donne à Mariane.- Il faut que vous le voyiez de près.

MARIANE.- Il est fort beau, sans doute*, et jette quantité de feux.

CLÉANTE. Il se met au devant de Mariane, qui le veut rendre.- Nenni, Madame*, il est en de trop belles mains. C'est un présent que mon père vous a fait*.

HARPAGON.- Moi?

CLÉANTE.- N'est-il pas vrai, mon père, que vous voulez que Madame le garde pour l'amour de vous?

HARPAGON à part à son fils.- Comment?

CLÉANTE.- Belle demande. Il me fait signe de vous le faire accepter.

MARIANE.- Je ne veux point...

CLÉANTE.- Vous moquez-vous? Il n'a garde de le reprendre.

HARPAGON à part..- J'enrage!

MARIANE.- Ce serait...

CLÉANTE en empêchant toujours Mariane de rendre la bague.- Non, vous dis-je, c'est l'offenser.

MARIANE.- De grâce...

CLÉANTE.- Point du tout.

HARPAGON à part..- Peste soit...

CLÉANTE.- Le voilà qui se scandalise de votre refus.

HARPAGON, bas à son fils.- Ah, traître!

CLÉANTE.- Vous voyez qu'il se désespère.

HARPAGON bas à son fils, en le menaçant..- Bourreau que tu es!

CLÉANTE.- Mon père, ce n'est pas ma faute. Je fais ce que je puis pour l'obliger à la garder, mais elle est obstinée.

HARPAGON bas à son fils, avec emportement..- Pendard!

CLÉANTE.- Vous êtes cause, Madame, que mon père me querelle.

HARPAGON bas à son fils, avec les mêmes grimaces.- Le coquin!

CLÉANTE.- Vous le ferez tomber malade. De grâce, Madame, ne résistez point davantage.

FROSINE.- Mon Dieu, que de façons! Gardez la bague, puisque Monsieur le veut.

MARIANE.- Pour ne vous point mettre en colère, je la garde maintenant; et je prendrai un autre temps pour vous la rendre.