Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
L'École des maris :

¤Acte 1
¤Acte 2
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
¤Acte 3
 
 

 

L'École des maris » Acte 2 » SCÈNE II

SGANARELLE, ERGASTE, VALÈRE.


SGANARELLE*
Ne perdons point de temps, c'est ici, qui va là?
370 Bon je rêve, holà, dis-je, holà, quelqu'un holà;
Je ne m'étonne pas, après cette lumière,
S'il y venait tantôt de si douce manière*;
Mais je veux me hâter, et de son fol espoir*...
Peste soit du gros bœuf, qui pour me faire choir,
375 Se vient devant mes pas planter comme une perche.

VALÈRE
Monsieur, j'ai du regret...

SGANARELLE
Ah! c'est vous que je cherche.

VALÈRE
Moi, Monsieur?

SGANARELLE
Vous; Valère, est-il pas votre nom?

VALÈRE
Oui.

SGANARELLE
Je viens vous parler, si vous le trouvez bon.

VALÈRE
Puis-je être assez heureux, pour vous rendre service?

SGANARELLE
380 Non, mais je prétends moi, vous rendre un bon office,
Et c'est ce qui chez vous, prend droit de m'amener.

VALÈRE
Chez moi, Monsieur?

SGANARELLE
Chez vous, faut-il, tant s'étonner?

VALÈRE
J'en ai bien du sujet, et mon âme ravie
De l'honneur...

SGANARELLE
Laissons là cet honneur, je vous prie.

VALÈRE
Voulez-vous pas entrer?

SGANARELLE
385 Il n'en est pas besoin.

VALÈRE
Monsieur, de grâce.

SGANARELLE
Non, je n'irai pas plus loin.

VALÈRE
Tant que vous serez là, je ne puis vous entendre.

SGANARELLE
Moi je n'en veux bouger.

VALÈRE
Eh bien, il se faut rendre*,
Vite, puisque Monsieur, à cela se résout;
Donnez un siège ici.

SGANARELLE
390 Je veux parler debout.

VALÈRE
Vous souffrir de la sorte?

SGANARELLE
Ah, contrainte effroyable.

VALÈRE
Cette incivilité serait trop condamnable.

SGANARELLE
C'en est une que rien ne saurait égaler;
De n'ouïr pas les gens qui veulent nous parler.

VALÈRE
Je vous obéis, donc.

SGANARELLE
395 Vous ne sauriez mieux faire*;
Tant de cérémonie est fort peu nécessaire:
Voulez-vous m'écouter?

VALÈRE
Sans doute*, et de grand cœur.

SGANARELLE
Savez-vous, dites-moi, que je suis le tuteur,
D'une fille assez jeune, et passablement belle,
400 Qui loge en ce quartier, et qu'on nomme Isabelle?

VALÈRE
Oui.

SGANARELLE
Si vous le savez, je ne vous l'apprends pas.
Mais savez-vous aussi, lui trouvant des appas*;
Qu'autrement qu'en tuteur sa personne me touche,
Et qu'elle est destinée à l'honneur de ma couche?

VALÈRE
Non.

SGANARELLE
405 Je vous l'apprends donc, et qu'il est à propos,
Que vos feux, s'il vous plaît, la laissent en repos.

VALÈRE
Qui moi, Monsieur?

SGANARELLE
Oui vous, mettons bas toute feinte.

VALÈRE
Qui vous a dit, que j'ai pour elle l'âme atteinte?

SGANARELLE
Des gens à qui l'on peut donner quelque crédit.

VALÈRE
Mais encore?

SGANARELLE
Elle-même.

VALÈRE
Elle?

SGANARELLE
410 Elle, est-ce assez dit?
Comme une fille honnête, et qui m'aime d'enfance,
Elle vient de m'en faire entière confidence;
Et de plus m'a chargé de vous donner avis,
Que depuis que par vous, tous ses pas sont suivis;
415 Son cœur qu'avec excès votre poursuite outrage,
N'a que trop de vos yeux entendu le langage;
Que vos secrets désirs, lui sont assez connus,
Et que c'est vous donner des soucis superflus;
De vouloir davantage expliquer une flamme,
420 Qui choque l'amitié que me garde son âme.

VALÈRE
C'est elle, dites-vous, qui de sa part vous fait...

SGANARELLE
Oui, vous venir donner cet avis franc, et net,
Et qu'ayant vu l'ardeur dont votre âme est blessée,
Elle vous eût plus tôt fait savoir sa pensée;
425 Si son cœur avait eu dans son émotion,
À qui pouvoir donner cette commission;
Mais qu'enfin les douleurs d'une contrainte extrême,
L'ont réduite à vouloir se servir de moi-même*;
Pour vous rendre averti, comme je vous ai dit,
430 Qu'à tout autre que moi son cœur est interdit;
Que vous avez assez joué de la prunelle,
Et que si vous avez tant soit peu de cervelle,
Vous prendrez d'autres soins, adieu jusqu'au revoir,
Voilà ce que j'avais, à vous faire savoir.

VALÈRE
435 Ergaste, que dis-tu, d'une telle aventure?

SGANARELLE
Le voilà bien surpris!

ERGASTE, bas, à Valère*.
Selon ma conjecture,
Je tiens qu'elle n'a rien de déplaisant pour vous,
Qu'un mystère assez fin, est caché là-dessous,
Et qu'enfin cet avis n'est pas d'une personne,
440 Qui veuille voir cesser l'amour qu'elle vous donne.

SGANARELLE, à part.
Il en tient comme il faut*.

VALÈRE
Tu crois mystérieux...

ERGASTE
Oui... mais il nous observe, ôtons-nous de ses yeux.

SGANARELLE
Que sa confusion paraît sur son visage.
Il ne s'attendait pas, sans doute* à ce message;
445 Appelons Isabelle, elle montre le fruit,
Que l'éducation dans une âme produit,
La vertu fait ses soins, et son cœur s'y consomme*,
Jusques à s'offenser des seuls regards d'un homme.