Le Tartuffe ou l'Imposteur » Acte 5 » SCÈNE VI
VALÈRE, ORGON, CLÉANTE, ELMIRE, MARIANE. VALÈRE Avec regret, Monsieur, je viens vous affliger;Mais je m'y vois contraint par le pressant danger.Un ami qui m'est joint d'une amitié fort tendre, 1830 Et qui sait l'intérêt qu'en vous j'ai lieu de prendre,A violé pour moi, par un pas délicat,Le secret que l'on doit aux affaires d'État,Et me vient d'envoyer un avis dont la suiteVous réduit* au parti d'une soudaine fuite. 1835 Le fourbe, qui longtemps a pu vous imposer,Depuis une heure, au Prince a su vous accuser,Et remettre en ses mains, dans les traits qu'il vous jette,D'un criminel d'État, l'importante cassette,Dont au mépris, dit-il, du devoir d'un sujet, 1840 Vous avez conservé le coupable secret.J'ignore le détail du crime qu'on vous donne,Mais un ordre est donné contre votre personne;Et lui-même est chargé, pour mieux l'exécuter,D'accompagner celui qui vous doit arrêter. CLÉANTE 1845 Voilà ses droits armés*, et c'est par où le traître,De vos biens qu'il prétend, cherche à se rendre maître. ORGON L'homme est, je vous l'avoue, un méchant animal! VALÈRE Le moindre amusement* vous peut être fatal.J'ai, pour vous emmener, mon carrosse à la porte, 1850 Avec mille louis qu'ici je vous apporte.Ne perdons point de temps, le trait est foudroyant,Et ce sont de ces coups que l'on pare en fuyant.À vous mettre en lieu sûr, je m'offre pour conduite,Et veux accompagner, jusqu'au bout, votre fuite. ORGON 1855 Las! que ne dois-je point à vos soins obligeants?Pour vous en rendre grâce, il faut un autre temps;Et je demande au Ciel, de m'être assez propice,Pour reconnaître un jour ce généreux service.Adieu, prenez le soin vous autres... CLÉANTE Allez tôt; 1860 Nous songerons, mon frère, à faire ce qu'il faut.
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