La Princesse d'Élide » Acte I » SCÈNE III
La Princesse d'Élide parut ensuite, avec les princes de Messène et de Pyle, lesquels firent remarquer en eux des caractères bien différents de celui du prince d'Ithaque; et lui cédèrent dans le cœur de la Princesse tous les avantages qu'il y pouvait désirer. Cette aimable Princesse ne témoigna pas pourtant que le mérite de ce Prince eût fait aucune impression sur son esprit, et qu'elle l'eût quasi remarqué; elle témoigna toujours, comme une autre Diane, n'aimer que la chasse et les forêts, et lorsque le prince de Messène voulut lui faire valoir le service qu'il lui avait rendu*, en la défaisant d'un fort grand sanglier qui l'avait attaquée; elle lui dit que sans rien diminuer de sa reconnaissance, elle trouvait son secours d'autant moins considérable, qu'elle en avait tué toute seule d'aussi furieux, et fût peut-être bien encore venue à bout de celui-ci. LA PRINCESSE et sa suite, ARISTOMÈNE, THÉOCLE, EURYALE, ARBATE, MORON. ARISTOMÈNE 265 Reprochez-vous, Madame, à nos justes alarmesCe péril dont tous deux avons sauvé vos charmes*?J'aurais pensé pour moi qu'abattre sous nos coupsCe sanglier qui portait sa fureur jusqu'à vous,Etait une aventure (ignorant votre chasse) 270 Dont à nos bons destins nous dussions rendre grâce:Mais à cette froideur je connais clairementQue je dois concevoir un autre sentiment,Et quereller du sort la fatale puissanceQui me fait avoir part à ce qui vous offense. THÉOCLE 275 Pour moi je tiens, Madame, à sensible bonheurL'action où pour vous a volé tout mon cœur,Et ne puis consentir malgré votre murmureÀ quereller le sort d'une telle aventure:D'un objet odieux je sais que tout déplaît; 280 Mais dût votre courroux être plus grand qu'il n'est,C'est extrême plaisir, quand l'amour est extrême,De pouvoir d'un péril affranchir ce qu'on aime. LA PRINCESSE Et pensez-vous, Seigneur, puisqu'il me faut parler,Qu'il eût en ce péril de quoi tant m'ébranler*? 285 Que l'arc, et que le dard, pour moi si pleins de charmes,Ne soient entre mes mains que d'inutiles armes ?Et que je fasse, enfin, mes plus fréquents emploisDe parcourir nos monts, nos plaines et nos bois,Pour n'oser en chassant concevoir l'espérance 290 De suffire moi seule à ma propre défense?Certes avec le temps j'aurais bien profitéDe ces soins assidus dont je fais vanitéS'il fallait que mon bras, dans une telle quête,Ne pût pas triompher d'une chétive bête; 295 Du moins si pour prétendre à de sensibles coupsLe commun de mon sexe est trop mal avec vous,D'un étage plus haut accordez-moi la gloire*,Et me faites tous deux cette grâce de croire,Seigneurs, que quel que fût le sanglier d'aujourd'hui, 300 J'en ai mis bas, sans vous, de plus méchants que lui. THÉOCLE Mais, Madame... LA PRINCESSE Hé bien, soit. Je vois que votre envie Est de persuader que je vous dois la vie;J'y consens. Oui sans vous c'était fait de mes jours,Je rends de tout mon cœur grâce à ce grand secours, 305 Et je vais de ce pas au Prince pour lui direLes bontés que pour moi votre amour vous inspire.
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