L'Étourdi ou les contretemps » Acte IV » Scene III
LÉANDRE, ANSELME. ANSELME Arrêtez-vous, Léandre, et souffrez un discours, 1450 Qui cherche le repos et l'honneur de vos jours;Je ne vous parle point en père de ma fille,En homme intéressé pour ma propre famille;Mais comme votre père ému pour votre bien,Sans vouloir vous flatter, et vous déguiser rien; 1455 Bref, comme je voudrais, d'une âme franche et pure,Que l'on fît à mon sang, en pareille aventure.Savez-vous de quel œil chacun voit cet amour,Qui dedans une nuit vient d'éclater au jour?À combien de discours, et de traits de risée, 1460 Votre entreprise d'hier est partout exposée?Quel jugement on fait du choix capricieux,Qui pour femme, dit-on, vous désigne en ces lieux?Un rebut de l'Égypte, une fille coureuse,De qui le noble emploi, n'est qu'un métier de gueuse? 1465 J'en ai rougi pour vous, encor plus que pour moi,Qui me trouve compris dans l'éclat que je voi,Moi, dis-je, dont la fille à vos ardeurs promise,Ne peut sans quelque affront souffrir qu'on la méprise.Ah! Léandre, sortez de cet abaissement; 1470 Ouvrez un peu les yeux sur votre aveuglement:Si notre esprit n'est pas sage à toutes les heures,Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures.Quand on ne prend en dot que la seule beauté,Le remords est bien près de la solennité, 1475 Et la plus belle femme a très peu de défense,Contre cette tiédeur qui suit la jouissance:Je vous le dis encor, ces bouillants mouvements,Ces ardeurs de jeunesse, et ces emportements,Nous font trouver d'abord quelques nuits agréables: 1480 Mais ces félicités ne sont guère durables,Et notre passion alentissant son cours,Après ces bonnes nuits donnent de mauvais jours.De là viennent les soins, les soucis, les misères,Les fils déshérités par le courroux des pères. LÉANDRE 1485 Dans tout votre discours, je n'ai rien écouté,Que mon esprit déjà ne m'ait représenté.Je sais, combien je dois, à cet honneur insigne,Que vous me voulez faire, et dont je suis indigne,Et vois, malgré l'effort dont je suis combattu, 1490 Ce que vaut votre fille, et quelle est sa vertu:Aussi veux-je tâcher... ANSELME On ouvre cette porte, Retirons-nous plus loin, de crainte qu'il n'en sorteQuelque secret poison dont vous seriez surpris.
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