Les Fâcheux » Acte 3 » SCÈNE PREMIÈRE
ÉRASTE, LA MONTAGNE. ÉRASTE Il est vrai, d'un côté mes soins ont réussi:Cet adorable objet enfin s'est adouci: 595 Mais d'un autre on m'accable, et les astres sévères,Ont, contre mon amour, redoublé leurs colères.Oui Damis son tuteur, mon plus rude fâcheux,Tout de nouveau s'oppose aux plus doux de mes vœux,À son aimable nièce a défendu ma vue, 600 Et veut, d'un autre époux, la voir demain pourvue.Orphise toutefois, malgré son désaveu*,Daigne accorder ce soir une grâce à mon feu;Et j'ai fait consentir l'esprit de cette belle,À souffrir qu'en secret je la visse chez elle. 605 L'amour aime surtout les secrètes faveurs;Dans l'obstacle, qu'on force, il trouve des douceurs;Et le moindre entretien de la beauté qu'on aime,Lorsqu'il est défendu, devient grâce suprême.Je vais au rendez-vous: c'en est l'heure, à peu près: 610 Puis, je veux m'y trouver plutôt avant qu'après. LA MONTAGNE Suivrai-je vos pas? ÉRASTE Non, je craindrais que peut-être À quelques yeux suspects tu me fisses connaître. LA MONTAGNE Mais... ÉRASTE Je ne le veux pas. LA MONTAGNE Je dois suivre vos lois: Mais au moins si de loin... ÉRASTE Te tairas-tu, vingt fois*? 615 Et ne veux-tu jamais quitter cette méthode,De te rendre, à toute heure, un valet incommode!
|