Psyché » Acte 1 » SCÈNE II
CLÉOMÈNE, AGÉNOR, AGLAURE, CIDIPPE. AGLAURE Les voici tous deux, et j'admireLeur air et leur ajustement. CIDIPPE 315 Ils ne démentent nullementTout ce que nous venons de dire. AGLAURE D'où vient, Princes, d'où vient que vous fuyez ainsi?Prenez-vous l'épouvante, en nous voyant paraître? CLÉOMÈNE On nous faisait croire qu'ici 320 La princesse Psyché, Madame, pourrait être. AGLAURE Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agréable pour vous,Si vous ne les voyez ornés de sa présence? AGÉNOR Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux;Mais nous cherchons Psyché dans notre impatience. CIDIPPE 325 Quelque chose de bien pressantVous doit à la chercher pousser tous deux sans doute. CLÉOMÈNE Le motif est assez puissant,Puisque notre fortune enfin en dépend toute. AGLAURE Ce serait trop à nous, que de nous informer 330 Du secret que ces mots nous peuvent enfermer. CLÉOMÈNE Nous ne prétendons point en faire de mystère;Aussi bien malgré nous paraîtrait-il au jour,Et le secret ne dure guère,Madame, quand c'est de l'amour. CIDIPPE 335 Sans aller plus avant, Princes, cela veut dire,Que vous aimez Psyché tous deux. AGÉNOR Tous deux soumis à son empireNous allons de concert lui découvir nos feux. AGLAURE C'est une nouveauté sans doute assez bizarre, 340 Que deux rivaux si bien unis. CLÉOMÈNE Il est vrai que la chose est rare,Mais non pas impossible à deux parfaits amis. CIDIPPE Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle,Et n'y trouvez-vous point à séparer vos vœux? AGLAURE 345 Parmi l'éclat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elleÀ pouvoir mériter vos feux? CLÉOMÈNE Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme?Choisit-on qui l'on veut aimer?Et pour donner toute son âme, 350 Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer? AGÉNOR Sans qu'on ait le pouvoir d'élire,On suit, dans une telle ardeurQuelque chose qui nous attire,Et lorsque l'amour touche un cœur, 355 On n'a point de raisons à dire. AGLAURE En vérité, je plains les fâcheux embarrasOù je vois que vos cœurs se mettent;Vous aimez un objet dont les riants appasMêleront des chagrins à l'espoir qu'ils vous jettent, 360 Et son cœur ne vous tiendra pasTout ce que ses yeux vous promettent. CIDIPPE L'espoir qui vous appelle au rang de ses amantsTrouvera du mécompte aux douceurs qu'elle étale;Et c'est pour essuyer de très fâcheux moments, 365 Que les soudains retours de son âme inégale. AGLAURE Un clair discernement de ce que vous valezNous fait plaindre le sort où cet amour vous guide,Et vous pouvez trouver tous deux, si vous voulez,Avec autant d'attraits, une âme plus solide. CIDIPPE 370 Par un choix plus doux de moitiéVous pouvez de l'amour sauver votre amitié,Et l'on voit en vous deux un mérite si rare,Qu'un tendre avis veut bien prévenir par pitiéCe que votre cœur se prépare. CLÉOMÈNE 375 Cet avis généreux fait pour nous éclaterDes bontés qui nous touchent l'âme;Mais le Ciel nous réduit à ce malheur, Madame,De ne pouvoir en profiter. AGÉNOR Votre illustre pitié veut en vain nous distraire 380 D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet;Ce que notre amitié, Madame, n'a pas fait,Il n'est rien qui le puisse faire. CIDIPPE Il faut que le pouvoir de Psyché... La voici.
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