Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
¤Acte 4
¤Acte 5
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
 
 

 

Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux » Acte 5 » SCÈNE III

DOM GARCIE, DONE ELVIRE, DONE IGNÈS, ÉLISE.


DOM GARCIE
Madame, avec quel front faut-il que je m'avance,
Quand je viens vous offrir l'odieuse présence...

DONE ELVIRE
Prince, ne parlons plus de mon ressentiment,
Votre sort dans mon âme a fait du changement,
1580 Et par le triste état où sa rigueur vous jette,
Ma colère est éteinte, et notre paix est faite.
Oui, bien que votre amour ait mérité les coups,
Que fait sur lui du Ciel éclater le courroux;
Bien que ses noirs soupçons aient offensé ma gloire,
1585 Par des indignités qu'on aurait peine à croire;
J'avouerai toutefois que je plains son malheur,
Jusqu'à voir nos succès avec quelque douleur;
Que je hais les faveurs de ce fameux service,
Lorsqu'on veut de mon cœur lui faire un sacrifice*,
1590 Et voudrais bien pouvoir racheter les moments,
Où le sort contre vous n'armait que mes serments,
Mais, enfin, vous savez comme nos destinées,
Aux intérêts publics sont toujours enchaînées,
Et que l'ordre des Cieux pour disposer de moi,
1595 Dans mon frère qui vient, me va montrer mon roi.
Cédez comme moi, Prince, à cette violence,
Où la grandeur soumet celles de ma naissance;
Et si de votre amour les déplaisirs sont grands,
Qu'il se fasse un secours de la part que j'y prends
1600 Et ne se serve point contre un coup qui l'étonne
Du pouvoir qu'en ces lieux votre valeur vous donne;
Ce vous serait sans doute un indigne transport
De vouloir dans vos maux lutter contre le sort.
Et lorsque c'est en vain qu'on s'oppose à sa rage,
1605 La soumission prompte est grandeur de courage,
Ne résistez donc point à ses coups éclatants,
Ouvrez les murs d'Astorgue au frère que j'attends,
Laissez-moi rendre aux droits qu'il peut sur moi prétendre,
Ce que mon triste cœur a résolu de rendre;
1610 Et ce fatal hommage, où mes vœux sont forcés
Peut-être n'ira pas si loin que vous pensez.

DOM GARCIE
C'est faire voir, Madame, une bonté trop rare,
Que vouloir adoucir le coup qu'on me prépare,
Sur moi sans de tels soins vous pouvez laisser choir
1615 Le foudre rigoureux de tout votre devoir.
En l'état où je suis, je n'ai rien à vous dire,
J'ai mérité du sort tout ce qu'il a de pire,
Et je sais, quelques maux qu'il me faille endurer,
Que je me suis ôté le droit d'en murmurer.
1620 Par où pourrais-je, hélas! dans ma vaste disgrâce,
Vers vous de quelque plainte autoriser l'audace?
Mon amour s'est rendu mille fois odieux,
Il n'a fait qu'outrager vos attraits glorieux:
Et lorsque par un juste, et fameux sacrifice,
1625 Mon bras à votre sang cherche à rendre un service,
Mon astre m'abandonne au déplaisir fatal,
De me voir prévenu par le bras d'un rival.
Madame, après cela je n'ai rien à prétendre,
Je suis digne du coup que l'on me fait attendre,
1630 Et je le vois venir, sans oser contre lui,
Tenter de votre cœur le favorable appui.
Ce qui peut me rester dans mon malheur extrême,
C'est de chercher alors mon remède en moi-même,
Et faire que ma mort propice à mes désirs,
1635 Affranchisse mon cœur de tous ses déplaisirs.
Oui, bientôt dans ces lieux, Dom Alphonse doit être,
Et déjà mon rival commence de paraître.
De Léon vers ces murs, il semble avoir volé,
Pour recevoir le prix du tyran immolé;
1640 Ne craignez point du tout qu'aucune résistance
Fasse valoir ici ce que j'ai de puissance,
Il n'est effort humain que pour vous conserver,
Si vous y consentiez, je ne pusse braver;
Mais ce n'est pas à moi, dont on hait la mémoire,
1645 À pouvoir espérer cet aveu plein de gloire,
Et je ne voudrais pas par des efforts trop vains
Jeter le moindre obstacle à vos justes desseins.
Non, je ne contrains point vos sentiments, Madame,
Je vais en liberté laisser toute votre âme,
1650 Ouvrir les murs d'Astorgue à cet heureux vainqueur,
Et subir de mon sort la dernière rigueur.