Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Le Malade imaginaire :

¤Acte 1
¤Acte 2
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
¤Acte 3
 
 

 

Le Malade imaginaire » Acte 2 » SCÈNE VIII

LOUISON, ARGAN.

LOUISON.- Qu'est-ce que vous voulez, mon papa, ma belle-maman m'a dit que vous me demandez.

ARGAN.- Oui, venez çà. Avancez là. Tournez-vous. Levez les yeux. Regardez-moi. Eh!

LOUISON.- Quoi, mon papa?

ARGAN.- Là...

LOUISON.- Quoi?

ARGAN.- N'avez-vous rien à me dire?

LOUISON.- Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d'âne, ou bien la fable du Corbeau et du renard, qu'on m'a apprise depuis peu.

ARGAN.- Ce n'est pas là ce que je demande.

LOUISON.- Quoi donc?

ARGAN.- Ah! rusée, vous savez bien ce que je veux dire.

LOUISON.- Pardonnez-moi, mon papa.

ARGAN.- Est-ce là comme vous m'obéissez?

LOUISON.- Quoi?

ARGAN.- Ne vous ai-je pas recommandé de me venir dire d'abord tout ce que vous voyez?

LOUISON.- Oui, mon papa.

ARGAN.- L'avez-vous fait?

LOUISON.- Oui, mon papa. Je vous suis venue dire tout ce que j'ai vu.

ARGAN.- Et n'avez-vous rien vu aujourd'hui?

LOUISON.- Non, mon papa.

ARGAN.- Non?

LOUISON.- Non, mon papa.

ARGAN.- Assurément?

LOUISON.- Assurément.

ARGAN.- Oh çà, je m'en vais vous faire voir quelque chose, moi.

Il va prendre une poignée de verges.

LOUISON.- Ah! mon papa.

ARGAN.- Ah, ah, petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre sœur?

LOUISON.- Mon papa.

ARGAN.- Voici qui vous apprendra à mentir.

LOUISON se jette à genoux.- Ah! mon papa, je vous demande pardon. C'est que ma sœur m'avait dit de ne pas vous le dire; mais je m'en vais vous dire tout.

ARGAN.- Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après nous verrons au reste.

LOUISON.- Pardon, mon papa.

ARGAN.- Non, non.

LOUISON.- Mon pauvre papa, ne me donnez pas le fouet.

ARGAN.- Vous l'aurez.

LOUISON.- Au nom de Dieu, mon papa, que je ne l'aie pas.

ARGAN, la prenant pour la fouetter.- Allons, allons.

LOUISON.- Ah! mon papa, vous m'avez blessée. Attendez, je suis morte.

Elle contrefait la morte.

ARGAN.- Holà. Qu'est-ce là? Louison, Louison. Ah! mon Dieu! Louison. Ah! ma fille! Ah! malheureux, ma pauvre fille est morte. Qu'ai-je fait, misérable? Ah! chiennes de verges. La peste soit des verges! Ah! ma pauvre fille; ma pauvre petite Louison.

LOUISON.- Là, là, mon papa, ne pleurez point tant, je ne suis pas morte tout à fait.

ARGAN.- Voyez-vous la petite rusée? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout.

LOUISON.- Ho, oui, mon papa.

ARGAN.- Prenez-y bien garde au moins, car voilà un petit doigt qui sait tout, qui me dira si vous mentez.

LOUISON.- Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l'ai dit.

ARGAN.- Non, non.

LOUISON.- C'est, mon papa, qu'il est venu un homme dans la chambre de ma sœur comme j'y étais.

ARGAN.- Hé bien?

LOUISON.- Je lui ai demandé ce qu'il demandait, et il m'a dit qu'il était son maître à chanter.

ARGAN.- Hon, hon. Voilà l'affaire. Hé bien?

LOUISON.- Ma sœur est venue après.

ARGAN.- Hé bien?

LOUISON.- Elle lui a dit: "sortez, sortez, sortez, mon Dieu sortez, vous me mettez au désespoir".

ARGAN.- Hé bien?

LOUISON.- Et lui, il ne voulait pas sortir.

ARGAN.- Qu'est-ce qu'il lui disait?

LOUISON.- Il lui disait je ne sais combien de choses.

ARGAN.- Et quoi encore?

LOUISON.- Il lui disait tout ci, tout çà, qu'il l'aimait bien, et qu'elle était la plus belle du monde.

ARGAN.- Et puis après?

LOUISON.- Et puis après, il se mettait à genoux devant elle.

ARGAN.- Et puis après?

LOUISON.- Et puis après, il lui baisait les mains.

ARGAN.- Et puis après?

LOUISON.- Et puis après, ma belle-maman est venue à la porte, et il s'est enfui.

ARGAN.- Il n'y a point autre chose?

LOUISON.- Non, mon papa.

ARGAN.- Voilà mon petit doigt pourtant qui gronde quelque chose. (Il met son doigt à son oreille.) Attendez. Eh! ah, ah; oui? Oh, oh; voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m'avez pas dit.

LOUISON.- Ah! mon papa. Votre petit doigt est un menteur.

ARGAN.- Prenez garde.

LOUISON.- Non, mon papa, ne le croyez pas, il ment, je vous assure.

ARGAN.- Oh bien, bien, nous verrons cela. Allez-vous-en, et prenez bien garde à tout, allez. Ah! il n'y a plus d'enfants. Ah! que d'affaires; je n'ai pas seulement le loisir de songer à ma maladie. En vérité, je n'en puis plus.

Il se remet dans sa chaise.