Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Les amants magnifiques :

¤Prologue
¤Acte I
¤Acte II
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
¤Acte III
¤Acte IV
¤Acte V
 
 

 

Les amants magnifiques » Acte II » SCÈNE II

ÉRIPHILE, CLITIDAS.

CLITIDAS fait semblant de chanter. - La, la, la, la, ah!

ÉRIPHILE*. - Clitidas.

CLITIDAS. - Je ne vous avais pas vue là, Madame.

ÉRIPHILE. - Approche. D'où viens-tu?

CLITIDAS. - De laisser la princesse votre mère qui s'en allait vers le temple d'Apollon, accompagnée de beaucoup de gens.

ÉRIPHILE. - Ne trouves-tu pas ces lieux les plus charmants du monde?

CLITIDAS. - Assurément. Les princes vos amants y étaient.

ÉRIPHILE. - Le fleuve Pénée fait ici d'agréables détours.

CLITIDAS. - Fort agréables. Sostrate y était aussi.

ÉRIPHILE. - D'où vient qu'il n'est pas venu à la promenade?

CLITIDAS. - Il a quelque chose dans la tête qui l'empêche de prendre plaisir à tous ces beaux régale*s. Il m'a voulu entretenir, mais vous m'avez défendu si expressément de me charger d'aucune affaire auprès de vous, que je n'ai point voulu lui prêter l'oreille, et je lui ai dit nettement que je n'avais pas le loisir de l'entendre.

ÉRIPHILE. - Tu as eu tort de lui dire cela, et tu devais l'écouter.

CLITIDAS. - Je lui ai dit d'abord que je n'avais pas le loisir de l'entendre, mais après je lui ai donné audience.

ÉRIPHILE. - Tu as bien fait.

CLITIDAS. - En vérité c'est un homme qui me revient, un homme fait comme je veux que les hommes soient faits. Ne prenant point des manières bruyantes et des tons de voix assommants; sage et posé en toutes choses, ne parlant jamais que bien à propos; point prompt à décider; point du tout exagérateur incommode; et quelques beaux vers que nos poètes lui aient récités, je ne lui ai jamais ouï dire: "Voilà qui est plus beau que tout ce qu'a jamais fait Homère." Enfin, c'est un homme pour qui je me sens de l'inclination, et si j'étais princesse il ne serait pas malheureux.

ÉRIPHILE. - C'est un homme d'un grand mérite assurément, mais de quoi t'a-t-il parlé?

CLITIDAS. - Il m'a demandé si vous aviez témoigné grande joie au magnifique régale que l'on vous a donné; m'a parlé de votre personne avec des transports les plus grands du monde, vous a mise au-dessus du Ciel, et vous a donné toutes les louanges qu'on peut donner à la princesse la plus accomplie de la terre, entremêlant tout cela de plusieurs soupirs qui disaient plus qu'il ne voulait. Enfin, à force de le tourner de tous côtés, et de le presser sur la cause de cette profonde mélancolie, dont toute la cour s'aperçoit, il a été contraint de m'avouer qu'il était amoureux.

ÉRIPHILE. - Comment amoureux? quelle témérité est la sienne! c'est un extravagant que je ne verrai de ma vie.

CLITIDAS. - De quoi vous plaignez-vous, Madame?

ÉRIPHILE. - Avoir l'audace de m'aimer, et de plus avoir l'audace de le dire?

CLITIDAS. - Ce n'est pas vous, Madame, dont il est amoureux.

ÉRIPHILE. - Ce n'est pas moi?

CLITIDAS. - Non, Madame, il vous respecte trop pour cela, et est trop sage pour y penser.

ÉRIPHILE. - Et de qui donc, Clitidas?

CLITIDAS. - D'une de vos filles*, la jeune Arsinoé.

ÉRIPHILE. - A-t-elle tant d'appas, qu'il n'ait trouvé qu'elle digne de son amour?

CLITIDAS. - Il l'aime éperdument, et vous conjure d'honorer sa flamme de votre protection.

ÉRIPHILE. - Moi?

CLITIDAS. - Non, non, Madame, je vois que la chose ne vous plaît pas. Votre colère m'a obligé à prendre ce détour, et pour vous dire la vérité, c'est vous qu'il aime éperdument.

ÉRIPHILE. - Vous êtes un insolent de venir ainsi surprendre mes sentiments. Allons, sortez d'ici, vous vous mêlez de vouloir lire dans les âmes; de vouloir pénétrer dans les secrets du cœur d'une princesse. Ôtez-vous de mes yeux, et que je ne vous voie jamais, Clitidas.

CLITIDAS. - Madame*.

ÉRIPHILE. - Venez ici. Je vous pardonne cette affaire-là.

CLITIDAS. - Trop de bonté, Madame.

ÉRIPHILE. - Mais à condition, prenez bien garde à ce que je vous dis, que vous n'en ouvrirez la bouche à personne du monde sur peine de la vie.

CLITIDAS. - Il suffit.

ÉRIPHILE. - Sostrate t'a donc dit qu'il m'aimait?

CLITIDAS. - Non, Madame, il faut vous dire la vérité; j'ai tiré de son cœur par surprise un secret qu'il veut cacher à tout le monde, et avec lequel il est, dit-il, résolu de mourir. Il a été au désespoir du vol subtil que je lui en ai fait, et bien loin de me charger de vous le découvrir, il m'a conjuré avec toutes les instantes prières qu'on saurait faire, de ne vous en rien révéler, et c'est trahison contre lui que ce que je viens de vous dire.

ÉRIPHILE. - Tant mieux, c'est par son seul respect qu'il peut me plaire, et s'il était si hardi que de me déclarer son amour, il perdrait pour jamais, et ma présence, et mon estime.

CLITIDAS. - Ne craignez point, Madame...

ÉRIPHILE. - Le voici; souvenez-vous au moins si vous êtes sage de la défense que je vous ai faite.

CLITIDAS. - Cela est fait, Madame, il ne faut pas être courtisan indiscret.