Psyché » Acte 3 » SCÈNE PREMIÈRE
L'AMOUR, ZÉPHIRE. ZÉPHIRE 925 Oui, je me suis galamment acquittéDe la commission que vous m'avez donnée,Et du haut du rocher je l'ai, cette beauté,Par le milieu des airs doucement amenéeDans ce beau palais enchanté, 930 Où vous pouvez en libertéDisposer de sa destinée:Mais vous me surprenez par ce grand changementQu'en votre personne vous faites;Cette taille, ces traits, et cet ajustement, 935 Cachent tout à fait qui vous êtes,Et je donne aux plus fins à pouvoir en ce jourVous reconnaître pour l'amour. L'AMOUR Aussi, ne veux-je pas qu'on puisse me connaître,Je ne veux à Psyché découvrir que mon cœur, 940 Rien que les beaux transports de cette vive ardeurQue ses doux charmes y font naître;Et pour en exprimer l'amoureuse langueur,Et cacher ce que je puis êtreAux yeux qui m'imposent des lois, 945 J'ai pris la forme que tu vois. ZÉPHIRE En tout vous êtes un grand maître,C'est ici que je le connais.Sous des déguisements de diverse natureOn a vu les Dieux amoureux 950 Chercher à soulager cette douce blessureQue reçoivent les cœurs de vos traits pleins de feux:Mais en bon sens vous l'emportez sur eux,Et voilà la bonne figurePour avoir un succès heureux, 955 Près de l'aimable sexe où l'on porte ses vœux.Oui, de ces formes-là l'assistance est bien forte,Et sans parler ni de rang, ni d'esprit,Qui peut trouver moyen d'être fait de la sorte,Ne soupire guère à crédit. L'AMOUR 960 J'ai résolu, mon cher Zéphire,De demeurer ainsi toujours,Et l'on ne peut le trouver à redireÀ l'aîné de tous les amours.Il est temps de sortir de cette longue enfance 965 Qui fatigue ma patience,Il est temps désormais que je devienne grand. ZÉPHIRE Fort bien, vous ne pouvez mieux faire,Et vous entrez dans un mystèreQui ne demande rien d'enfant. L'AMOUR 970 Ce changement sans doute irritera ma mère. ZÉPHIRE Je prévois là-dessus quelque peu de colère.Bien que les disputes des ansNe doivent point régner parmi des immortelles,Votre mère Vénus est de l'humeur des belles, 975 Qui n'aiment point de grands enfants.Mais où je la trouve outragée,C'est dans le procédé que l'on vous voit tenir,Et c'est l'avoir étrangement vengée,Que d'aimer la beauté qu'elle voulait punir. 980 Cette haine où ses vœux prétendent que répondeLa puissance d'un fils que redoutent les Dieux... L'AMOUR Laissons cela, Zéphire, et me dis si tes yeuxNe trouvent pas Psyché la plus belle du monde?Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux, 985 Qui puisse lui ravir le titre glorieuxDe beauté sans seconde?Mais je la vois, mon cher Zéphire,Qui demeure surprise à l'éclat de ces lieux. ZÉPHIRE Vous pouvez vous montrer pour finir son martyre, 990 Lui découvrir son destin glorieux,Et vous dire entre vous tout ce que peuvent direLes soupirs, la bouche, et les yeux.En confident discret je sais ce qu'il faut fairePour ne pas interrompre un amoureux mystère.
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