Le Malade imaginaire » Acte 2 » SCÈNE II
ARGAN, TOINETTE, CLÉANTE.ARGAN.- Monsieur Purgon m'a dit de me promener le matin dans ma chambre, douze allées, et douze venues; mais j'ai oublié à lui demander, si c'est en long, ou en large.TOINETTE.- Monsieur, voilà un...ARGAN.- Parle bas, pendarde, tu viens m'ébranler tout le cerveau, et tu ne songes pas qu'il ne faut point parler si haut à des malades.TOINETTE.- Je voulais vous dire, Monsieur...ARGAN.- Parle bas, te dis-je.TOINETTE.- Monsieur...Elle fait semblant de parler.ARGAN.- Eh?TOINETTE.- Je vous dis que...Elle fait semblant de parler.ARGAN.- Qu'est-ce que tu dis?TOINETTE, haut.- Je dis que voilà un homme qui veut parler à vous.ARGAN.- Qu'il vienne.Toinette fait signe à Cléante d'avancer.CLÉANTE.- Monsieur...TOINETTE, raillant.- Ne parlez pas si haut, de peur d'ébranler le cerveau de Monsieur.CLÉANTE.- Monsieur, je suis ravi de vous trouver debout et de voir que vous vous portez mieux.TOINETTE, feignant d'être en colère.- Comment "qu'il se porte mieux"? Cela est faux, Monsieur se porte toujours mal.CLÉANTE.- J'ai ouï dire que Monsieur était mieux, et je lui trouve bon visage.TOINETTE.- Que voulez-vous dire avec votre bon visage? Monsieur l'a fort mauvais, et ce sont des impertinents qui vous ont dit qu'il était mieux. Il ne s'est jamais si mal porté.ARGAN.- Elle a raison.TOINETTE.- Il marche, dort, mange, et boit tout comme les autres; mais cela n'empêche pas qu'il ne soit fort malade.ARGAN.- Cela est vrai.CLÉANTE.- Monsieur, j'en suis au désespoir. Je viens de la part du maître à chanter de Mademoiselle votre fille. Il s'est vu obligé d'aller à la campagne pour quelques jours; et comme son ami intime, il m'envoie à sa place, pour lui continuer ses leçons, de peur qu'en les interrompant elle ne vînt à oublier ce qu'elle sait déjà.ARGAN.- Fort bien. Appelez Angélique.TOINETTE.- Je crois, Monsieur, qu'il sera mieux de mener Monsieur à sa chambre.ARGAN.- Non, faites-la venir.TOINETTE.- Il ne pourra lui donner leçon, comme il faut, s'ils ne sont en particulier.ARGAN.- Si fait, si fait.TOINETTE.- Monsieur, cela ne fera que vous étourdir, et il ne faut rien pour vous émouvoir en l'état où vous êtes, et vous ébranler le cerveau.ARGAN.- Point, point, j'aime la musique, et je serai bien aise de... Ah! la voici. Allez-vous-en voir, vous, si ma femme est habillée.
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