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Actes de l'oeuvre
Amphitryon :

¤Acte 1
ºPROLOGUE
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
¤Acte 2
¤Acte 3
 
 

 

Amphitryon » Acte 1 » SCÈNE PREMIÈRE

SOSIE
155 Qui va là? Heu? Ma peur, à chaque pas s'accroît*.
Messieurs, ami de tout le monde.
Ah! quelle audace sans seconde,
De marcher à l'heure qu'il est!
Que mon maître couvert de gloire,
160 Me joue ici d'un vilain tour!
Quoi! si pour son prochain il avait quelque amour,
M'aurait-il fait partir par une nuit si noire?
Et pour me renvoyer annoncer son retour,
Et le détail de sa victoire,
165 Ne pouvait-il pas bien attendre qu'il fût jour?
Sosie, à quelle servitude
Tes jours sont-ils assujettis!
Notre sort est beaucoup plus rude
Chez les grands, que chez les petits.
170 Ils veulent que pour eux tout soit dans la nature
Obligé de s'immoler.
Jour et nuit, grêle, vent, péril, chaleur, froidure,
Dès qu'ils parlent, il faut voler.
Vingt ans d'assidu service,
175 N'en obtiennent rien pour nous:
Le moindre petit caprice
Nous attire leur courroux.
Cependant notre âme insensée
S'acharne au vain honneur de demeurer près d'eux;
180 Et s'y veut contenter de la fausse pensée,
Qu'ont tous les autres gens que nous sommes heureux.
Vers la retraite en vain la raison nous appelle;
En vain notre dépit quelquefois y consent:
Leur vue a sur notre zèle
185 Un ascendant trop puissant;
Et la moindre faveur d'un coup d'œil caressant,
Nous rengage de plus belle.
Mais enfin, dans l'obscurité,
Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade.
190 Il me faudrait, pour l'ambassade,
Quelque discours prémédité.
Je dois aux yeux d'Alcmène un portrait militaire
Du grand combat qui met nos ennemis à bas:
Mais comment diantre le faire,
195 Si je ne m'y trouvai pas?
N'importe, parlons-en, et d'estoc, et de taille*,
Comme oculaire témoin:
Combien de gens font-ils des récits de bataille,
Dont ils se sont tenus loin?
200 Pour jouer mon rôle sans peine,
Je le veux un peu repasser:
Voici la chambre, où j'entre en courrier que l'on mène,
Et cette lanterne est Alcmène,
À qui je me dois adresser.

(Il pose sa lanterne à terre, et lui adresse son compliment.)
205 Madame, Amphitryon, mon maître, et votre époux...
Bon! beau début! l'esprit toujours plein de vos charmes,
M'a voulu choisir entre tous,
Pour vous donner avis du succès de ses armes,
Et du désir qu'il a de se voir près de vous.
210 Ha! vraiment, mon pauvre Sosie,
À te revoir, j'ai de la joie au cœur.
Madame, ce m'est trop d'honneur,
Et mon destin doit faire envie.
Bien répondu! Comment se porte Amphitryon?
215 Madame, en homme de courage,
Dans les occasions*, où la gloire l'engage.
Fort bien! belle conception!
Quand viendra-t-il, par son retour charmant,
Rendre mon âme satisfaite?
220 Le plus tôt qu'il pourra, Madame, assurément;
Mais bien plus tard que son cœur ne souhaite.
Ah! Mais quel est l'état, où la guerre l'a mis?
Que dit-il? que fait-il? Contente un peu mon âme.
Il dit moins qu'il ne fait, Madame,
225 Et fait trembler les ennemis.
Peste! où prend mon esprit toutes ces gentillesses?
Que font les révoltés? dis-moi, quel est leur sort?
Ils n'ont pu résister, Madame, à notre effort:
Nous les avons taillés en pièces,
230 Mis Ptérélas leur chef à mort;
Pris Télèbe d'assaut, et déjà dans le port
Tout retentit de nos prouesses.
Ah! quel succès! ô Dieux! qui l'eût pu jamais croire?
Raconte-moi, Sosie, un tel événement.
235 "Je le veux bien, Madame, et sans m'enfler de gloire,
Du détail de cette victoire
Je puis parler très savamment.
Figurez-vous donc que Télèbe,
Madame, est de ce côté:

(Il marque les lieux sur sa main, ou à terre.)
240 C'est une ville, en vérité,
Aussi grande quasi que Thèbes.
La rivière est comme là.
Ici nos gens se campèrent:
Et l'espace que voilà,
245 Nos ennemis l'occupèrent.
Sur un haut, vers cet endroit,
Était leur infanterie;
Et plus bas, du côté droit,
Était la cavalerie.
250 Après avoir aux Dieux adressé les prières,
Tous les ordres donnés, on donne le signal.
Les ennemis pensant nous tailler des croupières*,
Firent trois pelotons de leurs gens à cheval:
Mais leur chaleur par nous fut bientôt réprimée,
255 Et vous allez voir comme quoi.
Voilà notre avant-garde, à bien faire animée;
Là les archers de Créon, notre roi;
Et voici le corps d'armée,
Qui d'abord... Attendez, le corps d'armée a peur.
260 J'entends quelque bruit, ce me semble.
260 On fait un peu de bruit.