L'École des femmes » Acte 5 » SCÈNE VII
ENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE, HORACE, ARNOLPHE. ENRIQUE, à Chrysalde. Aussitôt qu'à mes yeux je vous ai vu paraître,Quand on ne m'eût rien dit j'aurais su vous connaître;Je vous vois tous les traits de cette aimable sœur*, 1655 Dont l'hymen* autrefois m'avait fait possesseur;Et je serais heureux, si la Parque cruelleM'eût laissé ramener cette épouse fidèle,Pour jouir avec moi des sensibles douceursDe revoir tous les siens après nos longs malheurs: 1660 Mais puisque du destin la fatale puissanceNous prive pour jamais de sa chère présence,Tâchons de nous résoudre, et de nous contenterDu seul fruit amoureux qui m'en est pu rester,Il vous touche de près. Et sans votre suffrage 1665 J'aurais tort de vouloir disposer de ce gage;Le choix du fils d'Oronte est glorieux de soi,Mais il faut que ce choix vous plaise comme à moi*. CHRYSALDE C'est de mon jugement avoir mauvaise estime,Que douter si j'approuve un choix si légitime. ARNOLPHE, à Horace. 1670 Oui, je vais vous servir de la bonne façon*. HORACE Gardez encore un coup... ARNOLPHE N'ayez aucun soupçon. ORONTE, à Arnolphe. Ah! que cette embrassade est pleine de tendresse. ARNOLPHE Que je sens à vous voir, une grande allégresse. ORONTE Je suis ici venu... ARNOLPHE Sans m'en faire récit, Je sais ce qui vous mène. ORONTE 1675 On vous l'a déjà dit? ARNOLPHE Oui. ORONTE Tant mieux. ARNOLPHE Votre fils à cet hymen* résiste, Et son cœur prévenu n'y voit rien que de triste,Il m'a même prié de vous en détourner;Et moi tout le conseil que je vous puis donner, 1680 C'est de ne pas souffrir que ce nœud se diffère,Et de faire valoir l'autorité de père;Il faut avec vigueur ranger* les jeunes gens,Et nous faisons* contre eux à leur être indulgents. HORACE Ah traître! CHRYSALDE Si son cœur a quelque répugnance, 1685 Je tiens qu'on ne doit pas lui faire violence*;Mon frère, que je crois, sera de mon avis. ARNOLPHE Quoi? se laissera-t-il gouverner par son fils?Est-ce que vous voulez qu'un père ait la mollesseDe ne savoir pas faire obéir la jeunesse? 1690 Il serait beau vraiment, qu'on le vît aujourd'huiPrendre loi de qui doit la recevoir de lui.Non, non, c'est mon intime, et sa gloire est la mienne,Sa parole est donnée, il faut qu'il la maintienne,Qu'il fasse voir ici de fermes sentiments, 1695 Et force de son fils tous les attachements. ORONTE C'est parler comme il faut, et dans cette alliance,C'est moi qui vous réponds de son obéissance. CHRYSALDE, à Arnolphe. Je suis surpris, pour moi, du grand empressementQue vous me faites voir pour cet engagement, 1700 Et ne puis deviner quel motif vous inspire... ARNOLPHE Je sais ce que je fais, et dis ce qu'il faut dire. ORONTE Oui, oui, Seigneur Arnolphe, il est... CHRYSALDE Ce nom l'aigrit, C'est Monsieur de la Souche, on vous l'a déjà dit. ARNOLPHE Il n'importe. HORACE Qu'entends-je? ARNOLPHE, se retournant vers Horace. Oui c'est là le mystère, 1705 Et vous pouvez juger ce que je devais faire. HORACE En quel trouble...
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